Une poignée de minutes seulement après les faits, une dizaine de journalistes, dont votre serviteur, étaient jeudi soir au courant du crash d'un Rafale, qui s'est vite confirmé être, on le sait maintenant, la perte de deux appareils. Le pilote faisant toujours l'objet de recherches.
L'explication est simple : ces journalistes embarquaient, à Hyères (Var) sur le BPC Mistral, pour l'exercice Loyal Midas. Arrivés à bord, le contre-amiral Philippe Coindreau a tenu un brève conférence de presse dès 20h, sur la base des éléments fournis par un premier communiqué de presse du Sirpa Marine. Un exercice toujours compliqué, mais qui s'est avéré concluant. La dizaine de cartes de presse présentes à bord ont pu envoyer une première salve des contenus, grâce au centre de presse du bord (internet, téléphone), ou leurs propres moyens de transmissions (le BPC était en portée des réseaux mobiles terrestres). C'est RTL, depuis Paris, qui a sorti, la première, l'information.
Le propre patron du Sirpa Marine, qui devait embarquer sur le BPC Mistral avec ces journalistes, jeudi soir, est resté à terre pour gérer sa première communication de crise (il a rejoint le Sirpa Marine courant juillet), tout en préparant la venue du CEMM et d' Hervé Morin, aujourd'hui, à Toulon.
En ce type de cas, la communication de crise est, comme le reste, la résultante d'entraînements réguliers (drills, média trainings) et de protcoles stricts, codifiés dans un manuel, et qui ne souffrent de que peu d'écarts.
Comme elle a pris l'habitude de le faire, la Marine a publié plusieurs communiqué de presse -le 6e est tombé il y a trente minutes-, tout en diffusant également, dès ce matin, un grand nombre de photos d'archives, ce qui permet d'illustrer des articles. Même si cette pratique divise souvent les militaires, elle permet, en fait, de limiter, partiellement, ce qu'on appelle les "photos volées" : photos de l'entrée de la base aéronavale, ou photos du trafic aérien, prises de l'autre côté des clôtures. Dans ce même esprit, la BAN de Landivisiau a été ouverte aux caméras, vendredi : la marine montrant un certain nombre d'équipements de survie, et le Rafale lui-même. La prémar de Brest gardant la main sur la communication de terrain, comme celle de Toulon, pour les opérations de recherche.
La visite d'Hervé Morin, à bord du PACDG, étant restée strictement privée.
C'est le journaliste qui le dit, mieux vaut diffuser des éléments minimaux vérifiés, même fragmentaires, que rien du tout, ce qui alimente en général très vite des inexactitudes. Voire parfois, quelques franches erreurs : le journaliste, comme la nature, a horreur du vide.
Le fait d'effectuer une communication en plusieurs salves donnant l'impression de répondre au mieux des besoins de la presse. On le sait, cette communication est aussi, en général aussi la conséquence des questionnements, et tentatives de vérifications effectuées par les journalistes (1).
Cette communicaiton qui se veut proactive découle aussi du retex de plusieurs accidents précédents : on se souvient de l'emballement qui avait suivi le crash du premier Rafale, parce que les gendarmes et les enquêteurs portaient des tenues de protection. La communication du préfet (civil) n'avait pas réussi à débrouiller les esprits.
Par principe, en cas d'accident aérien, les identités et grades ne sont pas données avant communication à la famille, quelle que soit la nature du bilan humain (blessé, mort). Les éléments de carrière sont en général aussi rarement rapidement dévoilés, même si on l'a vu, on trouve toujours des exceptions.
Il faut aussi le comprendre, cette communication doit répondre aux besoins immédiats des journalistes, mais aussi (d'où son format minimaliste, malgré tout), à une nécessité de discrétion, tant que les deux épaves n'auront pas été récupérées, et leurs secrets, préservés de la curiosité. Et évidemment, il s'agit d'éviter d'effrayer les prospects exports, qui n'ont jamais été aussi nombreux.
Le Brésil a d'ores et déjà demandé à connaître la progression de l'enquête, et pas seulement ses résultats finaux, dont on ne sait pas quand ils tomberont.
Mais les prospects le savent, l'attrition fait partie de la vie opérationnelle d'un avion. F/A-18 et Gripen (concurrents du Rafale, au Brésil) ont déjà été perdus. Le Gripen a eu de gros soucis de jeunesse de commandes de vol, par exemple. Trois pertes de Rafale, en dix ans, restent un niveau faible, si l'on considère que cet avion a été engagé en Afghanistan par l'aéronavale dès 2001, et depuis 2007 par l'armée de l'Air.
Le + du Mamouth :
La marine détient une expertise en la matière avec ses préfectures maritimes, qui sont régulièrement engagées sur des communications de crise ou sur des sujet ssensibles (conséquences du Prestige, antinarco, etc). Le Sirpa a quant à lui eu son écot : malheurs à répétition du PACDG, collisions sous-marines, etc. Un volume de crises, qui au final, s'avère bénéfique pour la spécialité, mais pas pour ses effectifs, qui n'ont pas cessé de décroître depuis cinq ans.
(1) c'est notamment pour cela que le ministère de la défense maintient un point presse hebdomadaire, même bref (le dernier, jeudi, a été expédié en trente minutes chrono...) car ce rendez-vous physique (à tous les sens du terme) lui permet d'identifier les causes de curiosité de la presse, et de s'y préparer.