lundi 26 juillet 2010

Le Sahel, un nouveau théâtre pour la France ?

"Ce crime ne restera lors pas impuni". Par cette simple phrase, le chef des armées a signifié ce matin, incidemment, que la présence française au Sahel ne restera pas forcément limitée aux "20 à 30" militaires évoqués lors d'un briefing, la semaine dernière. Pour autant que l'on veuille, en plus, croire ce chiffre.
Si l'on se réfère aux prises d'otages de ces trente dernières années, seul un otage, Michel Seurat, avait été exécuté par ses ravisseurs (Hezbollah), comme nous le rappelions hier. La France ne pouvait donc pas laisser passer la mort de Michel Germaneau, et d'autant plus qu'AQMI la revendique (1).
Seulement, il n'est pas possible de lancer un missile de croisière Scalp-EG sur tous les campements suspects du Sahel. Tout simplement parce que le renseignement, on l'a bien vu avec l'opération de jeudi, est toujours parcellaire. Parce qu'on ne peut pas exclure qu'un otage espagnol soit hébergé sur les lieux, ou que des civils innocents logent à proximité. Le Sahel va donc prendre un statut de énième théâtre, mais vraisemblablement sans gros déploiement de troupes : traquer des terroristes, c'est un mandat taillé pour des opérations spéciales et/ou clandestines. Comme d'ailleurs certains officiers des GTIA conventionnels, en Afghanistan, ont l'intelligence de le reconnaitre.
Tout cela doit se faire en bonne intelligence avec les nations de la zone où AQMI a établi ses quartiers. Les spécialistes du sujet l'estiment à une zone grande comme l'Europe. 500 terroristes s'y cacheraient...
La France a peu d'atouts pour y détecter ses aiguilles dans la botte de foin sahélienne. Tous ses drones sont en Afghanistan -il faudra donc faire avec ceux des autres, ou "faire autrement"-. Le Sahel n'est pas non plus le seul arc de crise qui consomme des moyens spéciaux et clandestins, loin s'en faut. Sans virer dans la surchauffe, ces moyens sont cependant actuellement plus que justement employés dans leurs coeurs de compétence, avec trois gros fers au feu. Pour l'anecdote, les derniers avions de reconnaissance que l'armée de l'Air avait en Afrique, des Mirage F1CR viennent d'être rapatriés en France, et remplacés par de pur chasseurs, des Mirage 2000C.
Le seul avion capable de missions de renseignement est l'Atlantique 2 (de la marine...) basé à Dakar, une base française historique dont on a appris, ces derniers mois, qu'elle serait réduite à sa portion congrue. C'est la base la plus proche du Sahel que nous avions.
Seulement, par une seule phrase, le président a signifié à ses meilleurs éléments qu'il faudrait cibler les efforts sur le Sahel. Difficile d'ignorer un foyer de 500 terroristes bien plus près de nos intérêts vitaux -ces terroristes disent d'ailleurs depuis plus de dix ans qu'il veulent nous frapper-, que ne peut l'être Afghanistan. Où les terroristes sont bien plus difficiles à quantifier et où pourtant 4.000 de nos militaires sont déployés, notamment pour ce motif de contre-terrorisme.
Pour aller à peine plus loin, on peut même se demander si le Sahel ou la Somalie n'ont pas remplacé, et depuis longtemps, l'Afghanistan comme usine à former du terroriste.

(1) à ce stade, nul ne peut dater la mort de l'humanitaire français, et la façon dont il a péri.