jeudi 11 juin 2009

Les barbouzes de salon

"Ah non, vous ne pouvez pas photographier, c'est interdit !". Ce ne sont pourtant que des bâches, mais sur le stand Safran, même les bâches ne peuvent pas être photographiées. Difficile, pourtant, de hurler à la paranoïa mal placée, car après chaque salon, les exposants regorgent d'histoires plus terrifiantes les unes que les autres. Ce qui met sur les dents des cohortes d'agents de sécurité plus ou moins sensibilisés, et, pendant une quinzaine de jours au Bourget, rend les directeurs de la sécurité des exposants particulièrement fébriles.
Paris est la capitale internationale des salons professionnels, et héberge quatre salons particulièrement technologiques, qui attirent les "curieux" : Eurosatory et Euronaval (tous les deux ans, séparés par quatre mois) et Milipol et Le Bourget (idem). Le Bourget est la cible prioritaire de tentatives -parfois réussies- de déstabilisation, ou de vols (composants, ordinateurs, on voit de tout...) dont il est parfois difficile de discerner les tenants et les aboutissants. Cela ne remplit pas pour autant les geôles françaises, tant il est souvent difficile d'incriminer les intéressés. Quand on les attrape, ce qui s'avère fort rare.
Lors du dernier salon Eurosatory, à Villepinte, des ressortissants asiatiques avaient été surpris nuitamment dans l'enceinte du salon : les suites ne sont pas connues. Lors du salon Milipol (porte de Versailles), il y a bientôt deux ans, un grand nombre de mobilier de stand -notamment des écrans plasma mais aussi des ordinateurs portables- avaient été dérobés : un comble pour le salon de la... sécurité intérieure.
Dans un monde où la propriété intellectuelle est parfois aléatoire, on n'hésite pas non plus, parfois, à utiliser les subterfuges les plus éculés pour soutirer des informations aux exposants, français ou étrangers. Des âmes perdues d'un ministère bien connu s'étaient amusées, il y a quelques années, à imaginer se confectionner de fausses cartes de presse. Manque de chance, ils avaient plagié un modèle de carte qui n'était plus en cours : l'affaire avait été, comme on dit, étouffée. (1)
La DPSD et la DCRI à l'oeuvre
Pour lutter contre ces délinquants, la Défense (principalement, mais sans exclusive, la DPSD, chargée de la contre-ingérence, et de la protection de l'industrie de défense) comme l'Intérieur (DCRI, chargée du contre-espionnage) se mobilisent, plus ou moins discrètement. Des contrôles aléatoires sont souvent effectués en sortie de salon, sur les personnes, les véhicules. La vidéosurveillance est aussi mise en oeuvre. Enfin, des équipes formées circulent dans les allées du salon. Les fichiers de police étant souvent aussi bien nourris, il n'est pas impossible que certains noms puissent générer quelques pré-alarmes, aux frontières, puis aux arrivées au salon.
Lors du dernier salon Armés-Industrie, à Satory, plusieurs spécialistes ont sensibilisé les exposants aux risques, distribuant cartes de visites et conseils.
Les PME, qui sont la cible prioritaire de ces "barbouzes de salon" sont aussi désormais plus sensibilisées. L'une d'elles, spécialisée dans des technologies particulièrement sensibles, nous a expliqué avoir fait remonter une "approche", aux services. Elle n'a jamais eu ensuite de nouvelles. Ni des services, ni de "l'approchant".

Notre photo : patrouilles de forces de l'ordre, cet après-midi, au Bourget. La gendarmerie des transports aériens est chargée des pistes (zone réservée), la police gardant l'intérieur de l'exposition. Police et sociétés de sécurité ont été dûment briefées, ce matin.

(1) lundi ma carte de presse a été "égarée" 24 heures lors d'une visite chez un industriel, mais ne soyons pas paranoïaques...