samedi 7 novembre 2009

Vae mendaxis !

Rapporté de façon elliptique par votre serviteur, voici l'intégralité de l'échange, vif, qui a opposé Françoise Olivier-Coupeau, députée (SRC) du Morbihan, à Hervé Morin, jeudi soir, dans l'hémicycle. C'est la version officielle, mise en ligne par l'Assemblée, aujourd'hui. Où l'on comprend que les questions d'équipements et de bien-être (ou de welfare, quand on est branché...) de nos soldats -dont de plus en plus visitent ce blog, ils jugeront ainsi sur pièces- sont devenus un enjeu de débats virulents à l'Assemblée, après avoir déchaîné les blogs, et animé la fréquence sur radio-popote.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Monsieur le ministre, nous proposerons dans un instant un amendement qui vise à augmenter les crédits d’équipement de nos soldats en Afghanistan. Le général Georgelin nous a expliqué que nos militaires étaient bien équipés, mais qu’ils enviaient souvent les équipements des armées alliées, un peu par « effet de mode », disait-il. Pour moi, je ne crois pas que ce soit le souci de se comparer aux autres qui fasse désirer des chaussures de montagne quand on se bat dans le neige à haute altitude. Or, comme vous le savez, tous nos soldats ne sont pas encore équipés de chaussures aux semelles et talons adaptés au relief afghan et aux conditions extrêmes de ce pays : c’est d’autant moins admissible que cela leur fait prendre des risques dans les patrouilles comme dans les combats. Je vous vois faire des signes de dénégation…

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Ce que vous dites est faux !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Je ne mets pas votre parole en doute, mais des chefs militaires du troisième RIMA, que j’ai appelés hier soir, m’ont confirmé que certains de leurs hommes n’avaient pas encore reçu leurs chaussures de montagne.
Quand bien même il s’agirait seulement d’améliorer la vie quotidienne de nos combattants, le wellfare, ne croyez vous pas qu’ils le méritent ? Ne pourraient-ils bénéficier de liaisons téléphoniques gratuites avec leurs familles ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense. C’est le cas !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Non, monsieur le ministre : je vous livrerai, si vous le souhaitez, les témoignages des militaires que j’ai eus au téléphone hier soir.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Les soldats disposent d’un crédit téléphonique mensuel !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Il n’est pas suffisant.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Ne dites pas qu’ils n’en ont pas, alors !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Je ne voulais pas vous fâcher, monsieur le ministre ; je souhaite seulement contribuer au bien-être de nos soldats.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Vous ne cessez de rapporter des rumeurs inexactes !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Ce que vous appelez rumeurs, monsieur le ministre, ce sont des informations qui viennent du front : chacun son interprétation.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Le front, j’y suis allé plus que vous !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. J’espère, monsieur le ministre !

M. le président. Madame Olivier-Coupeau, veuillez poursuivre.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Quant à l’expédition gratuite des colis depuis la France, vous me direz que cela existe, et vous aurez raison. Mais ce système est si compliqué et contraignant que beaucoup de familles ne l’utilisent pas. Ne pourrait-on pratiquer une gratuité systématique des colis expédiés sur le front, comme le font les Américains ?
Puisque j’en suis aux demandes concrètes, et sans vouloir vous irriter davantage, je pense qu’il serait temps de renforcer notre capacité médicale de soutien psychologique des soldats et de leurs familles, car il n’apporte pas toute la satisfaction nécessaire.

Mme Patricia Adam. En effet !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. L’armée de terre, je le sais, a fourni de gros efforts, mais il faut les amplifier.
Enfin, pour parler d’investissements plus coûteux, nous vous demandons instamment d’envoyer au plus vite des drones MALE en Afghanistan, dont on a vu l’importance lors de l’embuscade d’Ouzbine. Ce point m’amène à une autre proposition de notre rapport pour la MEC : inclure dans le coût budgétaire des OPEX les programmes d’achat de matériels en urgence liés à la situation d’un ou plusieurs théâtres d’opérations.

et voici la suite de la passe d'armes, vers 21 heures, quand le ministre prend la parole pou défendre son budget :

M. Hervé Morin . (...) comme de nombreux orateurs l’ont remarqué, notamment M. Meslot, notre effort d’équipement demeurera considérable et bénéficiera de l’essentiel des moyens nouveaux. L’année 2009, comme 2010, est exceptionnelle tant en termes de commandes que de livraisons. Cet effort financier a eu aussi sa traduction en Afghanistan où les procédures d’urgence opérationnelle – dont parlait M. Beaudouin – ont permis, depuis la décision que j’ai prise en 2007, de consacrer plus de 200 millions d’euros supplémentaires dans ce pays. J’étais en Afghanistan il y a trois semaines, où un capitaine du 2e REI, au fin fond de la vallée d’Uzbin, à qui je demandais comment cela se passait en termes d’équipement, m’a répondu qu’ils étaient aussi bien équipés, sinon mieux, que les Américains.

M. Philippe Folliot. Il fallait le dire !

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Je savais qu’il y avait éventuellement un problème au niveau des chaussures, mais il s’agissait en réalité d’une usure prématurée.
S’agissant du crédit d’heures, j’ai entendu une observation au cours d’une cérémonie militaire au 3ème RIMA. Je me suis renseigné dès mon retour. Le chef d’état-major de l’armée de terre m’a assuré que chaque soldat en opération avait entre deux et quatre heures de capacité téléphonique par mois et dix heures d’internet. Si vous me dites le contraire et si vous connaissez des militaires qui vous disent que c’est faux, dites-le moi : cela me permettra de régler mes comptes avec la hiérarchie militaire !"

La version longue dit la même chose que la courte : malheur aux menteurs ! S'ils mentent...