La com, combien de bataillons ? Un très gros régiment, au bas mot, et ce régiment va maigrir. C'est ce
qui ressort, en filigrane, des premières constatations de la nouvelle équipe ministérielle de Catherine Vautrin arrivée il y a quelques semaines à la défense, mais aussi d'un... communiqué de presse diffusé ce soir par Matignon et qui évoque une "refonte de la stratégie et des moyens de communication de l'Etat".Cette évolution va se faire à marche forcée. Elle découle d'une instruction du ministre des Armées Sébastien Lecornu, qui avait déjà taillé dans quelques dépenses, dont celle de l'événementiel des chefs d'état-major, en juillet 2025. J'en avais d'ailleurs parlé dans un article du Marin qui m'a valu l'inimitié et le blacklisting de plusieurs vice-amiraux d'escadre, à Brest et à Toulon.
Le 4 octobre, devenu Premier ministre, Sébastien Lecornu a poursuivi sa croisade contre le gapsi (que j'appelle gabegie, même si le mot fait peur dans les armées), dans ce domaine qui consomme 1 milliard d'euros (2024) au niveau de l'Etat.
C'est insupportable : et c'est le resultat de recrutements inconséquents, d'un manque de stratégie, et de duplications coupables. Alors même que chaque ministère a depuis des lustres (1997 pour le minarm, un peu plus tard pour la DICOM au ministère de l'Intérieur) une direction de communication sensée détenir des fonctions support communes. Ces directions ministérielles devraient donc éviter d'avoir à ... recourrir à des consultants, des influenceurs. Et alors que les gouvernements successifs disent avoir une préoccupation écologique, l'édition de magazines de communication interne, publiés, et financés par ce qui s'apparente à un racket publicitaire, a le vent en poupe. Chaque entité du minarm a le sien, envoyé même par La Poste pour certains.
Le Premier ministre recevra donc dans le courant du 1er trimestre 2026 un rapport qui se veut déjà éclairant sur l'état des lieux. Comme d'autres journalistes détenteurs d'anecdotes et de faits éclairants, je suis prêt à consacrer du temps à éclairer la mission "Etat efficace" des dérives multiples que cette chaîne de communication a connu ces dernières années (et le Contrôle général des armées, la Cour des Comptes, mais aussi les commission défenwe de l'assemblée nationale et du Sénat, etc). Avec un déficit de prise en compte de demandes de reportages (non traitées, sans réponse), des téléphones qui sonnent dans le vide en journée, des téléphones d'astreinte qui ont le même problème après les heures ouvrables, etc. De blacklisting aussi, en non conformité avec les instructions présidentielles et ministérielles.
On pourra aussi éclairer sur le manque de mobilisation ds réservistes, bien moins coûteux que des titulaires, militaires et civils, pas forcément astreints au palais de la sueur (il y a des très bons, à tous grades, je ne généralise pas). Désormais, on devrait passer au stade des sueurs froides, car potentiellement, une bonne partie de la chaîne actuelle au minarm pourrait se trouver d'autres chats à fouetter.
Avec moins de 500 personnes, le ministère communiquera très bien, et même beaucoup mieux car chacun n'aura pas envie de faire le travail de l'autre, plutôt que le sien. Un renforcement de l'EMA me semble par contre incontournable, et un alourdissement au grade de général de la responsabilité idoine (chef communication des armées, sous la responsabilité du CEMA) Avec trois adjoints d'armées, tous capables de répondre aux média, et d'occuper les plateaux TV, plutôt que de les laisser à des 2S souvent pas très éclairés (il y en a quelques rares très bons).
Le projet imaginé par le Premier ministre, avec le concours du Service d'information gouvernemental (SIG), vise à une "réallocation des ressources au sein d'une unité centralisée pour reforcer la visibilité de l'action gouvernementale, tant à l'échelon central que déconcentré".
Le projet veut aussi "identifier les expertises communication disponibles à l'échelon régional", ce qui peut aussi valoir pour les armées, plutôt que d'entretenir des effectifs pléthoriques sur certaines bases (Salon-de-Provence, Toulon, etc) qui n'ont de surcroît aucune expertise interarmées.
Le SIG, qui a pris énormément d'importance ces 10 dernières années -on en a vu les effets... au minarm- pourrait en sortir encore renforcé.
Les "premières évolutions" sont annoncées pour "mise en oeuvre dès le 1er janvier (2026) avec un pôle d'expertise evènementielle au service de tous les ministères par la synergie des ressources existantes et une réduction du recours aux prestations externalisées". Des revenus consistants vont ainsi échapper à ue nombre assez réduit de prestataires privés.
Un "plan de communication annuel par ministère" devra aussi être élaboré définissant les "priorités et modalités de communication". Comme on n'imagine pas que le minarm expliquera pourquoi il recourt massivement et à prix d'or à des influenceurs, ou pourqui il fait passer comme journalistes des non-journalistes - y compris à son point presse hebdomadaire ou sur des voyages de presse-, on imagine qu'il va devoir trouver vite des numéros d'équilibristes pour, à la fois justifier l'ancienne situation, et réussir à obtenir des résultats avec beaucoup moins de moyens. L'armée de l'air et de l'espace fonctionne depuis des dizaines d'années en ouvrant ses bases à des spotters (aucun problème), mais que son Sirpa fait souvent passer pour des journalistes vis-à-vis des généraux, évitant ainsi d'avoir à expliquer pourquoi finalement aussi peu de journalistes s'intéressent à l'armée de l'air et de l'espace. Pourquoi aussi des influenceurs sont aussi régulièrement invités à des évènements réservés à la presse. Pourquoi aussi des non journalistes -mais posant moins de questions et aodrant faire relire leurs articles- peuvent se retrouver dans des cockpits d'aéronefs, ou même dans des zones de guerre. On imagine que l'état-major aurait bien du mal à expliquer comment un ingénieur technico-commercial d'une boite fournisseuse du ministère s'est retrouvée en face d'une balle de 7,62 mm dans une zone de guerre, en étant présenté comme un journaliste. Ou ce qu'il faisait à bord d'un hélicoptère, allez, au hasard, des forces spéciales de l'armée de terre, ou d'un ETRACO de la marine.
Revenons à nos moutons. Un des moyens d'être efficace pour pas cher avec de vrais journalistes, les boucles de communication sont un bon levier. Pourtant les armées ont refusé de s'y mettre, contrairement aux équipes presse des ministres Vautrin et Rufo. La sécurité civile s'y est mise, au ministère de l'Intérieur, après plusieurs années d'hiver communicationnel -sous Bruno Retailleau-. En quelques jours, il y a un mois, le ministère des affaires étrangères (MAE) a créé plusieurs boucles de communication avec la presse. Après avoir créé le compte twitter @FrenchResponse qui renvoie désormais les coups sur twitter quand nos compétiteurs -et même nos alliés- nous balancent des peaux de bananes média. Quand ce ne sont pas franchement des munitons téléopéréées médiatique. Israël, les Américains, et bien d'autres en ont pris plein les dents, ces dernières semaines. Cette appli est le résultat du jus de crâne d'une des expertes françaises su sujet, Marie-Doha Besancenot. Une frêle diplomate qui en remonte à bien de nos vaillants "experts" du numérique au minarm.
Du jus de crâne, et des effecteurs, c'est beaucoup moins cher qu'externaliser le service. Un bon exemple à suivre au minarm, qui fonctionne encore à coup de faux comptes Facebook, Twitter, avec des proxys tellelement mal camouflés qu'ils en sont risibles (ils aiment bien s'en prendre au Mamouth et à son miroir sur twitter, @defense137, c'est comme cela que j'ai mis à jour des centaines de comptes mis en place et opérant en essaim, depuis des fermes numériques). Ou en mobilisant une partie de la communauté journalistique à coups de briefings qui confinent à la messe noire.
On a vu avec les attaques contre le CEMA que la communauté en question préférait ne pas s'engager dans la compréhension du sujet, ou à soutenir un pilier de la démocratie (si elle n'est plus protégée, il n'y aura plus de presse libre, NDLR). Un peu en conformité avec la célèbre maxime "Je préfère une injustice à un désordre". Et à une tradition bien ancrée : pour être sûr d'être dans le prochain voyage de presse, ou dans l'avion de la ministre, un journaliste préférera s'éviter les ennuis d'un article documenté. Ou d'un soutien trop affirmé aux gouvernants. Tout en se gaussant des limites de la même, sur ses réseaux coommunutaires.
Revenons à l'annonce de Matignon (on s'égare, mais à peine, tout est lié dans le Landerneau). Désormais, "l'attrbution des crédits se fera sur la base de ce plan et la mise en oeuvre sera confiée aux ministères responsables". Un bon plan aura donc de bons crédits, un mauvais plan, beaucoup moins (je préfère traduire pour les pen callets issus des soutes du minarm).
Assez savoureux, les "administrations centrales et déconcentrées auront l'obligation de rendre public le contenu détaillé de leurs dépenses de communication. Ces informations seront consolidées dans un document central annexé au projet de loi de finances". C'est tout simplement inédit dans le monde de la com, étonnamment opaque par construction.
Le CP de Matignon enfonce le clou avec son troisième point : "les ministères devront réduire leurs dépenses de communication de 20% par rapport à l'exercice budgétaire de 2024". Désormais, donc, on imagine qu'il ne sera plus possible d'imprimer ni même de concevoir les fameux magazines de com internes... vendus dans des kiosques, alors que les Français les paient déjà car ils paient des impôts alimentant les salaires de ceux qui les écrivent. Vous faire payer encore, pour avoir de la communication, c'est vrai que c'était malin, mais ce n'est donc plus possible. Adieu des publications qui... en plus, finissent souvent à la poubelle ou aux toilettes (je conserve de nombreuses photos de ce genre, pour nos enquêteurs du SIG ou de la cour des comptes).
"Pour les opérateurs de l'Etat, cette réduction devra atteindre 40% par rapport à 2024. Les subventions dont ils bénéficient seront diminuées en conséquence et les ministères de tutelle s'assureront de la traduction de cete mesure dans les budgets des organismes".
Au final, le Premier ministre estime pouvoir atteindre en 2026 un "objectif de réduction de 300 millions d'euros par rapport à l'exercice budgétaire 2024".
(à suivre)
Mes infops et photops sur le twitter @defense137.
Version expurgée de fautes d'orthographe et enrichie d'anecdotes ce 1er décembre 2025.