C'était il y a cinq ans. Le pouvoir ivoirien commettait l'irréparable, sur une base française. Le résultat d'un plan délibéré, comme le général Henri Poncet , patron de Licorne dès mai 2004, le développe dans une tribune libre dans le dernier Casoar, intitulée "8 jours qui ont ébranlé la Côte d'Ivoire".
A 14 heures, deux Su-25 avoinent le lycée Descartes, tuent neuf soldats français (et un civil américain), en blessent 34. Les missiles SATCP n'étaient pas sortis de leurs caisses, les artilleurs n'opéraient pas dans leur spécialité, et de toute façon, malgré des survols réguliers depuis deux jours, personne n'a vraiment envisagé que les chasseurs ivoiriens s'en prendraient à nos troupes. (1)
Face à une telle traîtrise -mais si l'ennemi prévenait, ce ne serait plus la guerre...- la riposte française est fourdroyante, rappelle Poncet. Les hélicoptères du BATALAT (2) foudroient l'aviation ivoirienne à coups de missiles HOT et de canons de 20 mm, pendant que ceux du DAOS (4e RHFS aujourd'hui) extraient 800 ressortissants en 48 heures, avec seulement deux Cougar. Un seul hélicoptère oeuvrera pendant les toutes premières heures, critiques. Les marsouins réduisent les Su-25 au silence et un Mil, au VAB C20.
Tout le monde connaît la suite (3). Parce que cela n'est pas politiquement correct, aujourd'hui, la mémoire des neufs de Bouaké ne sera pas vraisemblablement célébrée, ou à défaut, très localement.
Voici leurs noms :
ADC Philippe Capdeville, RICM,
ADC Thierry Barathieu, RICM,
SCH Francis Delon, RICM,
SGT Laurent Derambure, RICM,
1 CL David Decuypère, RICM,
CCH Patelise Falevalu, 2e RIMa,
CPL Benoît Marzais, 2e RIMa,
CPL Emmanuel Tilloy, 2e RIMa
BCH Franck Duval, 515e RT.
Quand, à Poitiers, j'avais rencontré les blessés et leurs camarades, de retour de Côte d'Ivoire, le 31 mars 2005, un jeune engagé, polycriblé, boitillait sur une jambe, accompagné d'un membre de sa famille. Il m'avait lancé que la mémoire de ses frères d'armes serait vite oubliée par les Français, mais que lui ne pourrait jamais oublier.
(1) retex direct, quand les Français se déploieront en 2006 au Liban, les SATCP seront sortis de leurs caisses, et prêts à tirer. Lorsque les F-15J viendront titiller les Français, quelques mois plus tard, tout reposera sur les épaules d'un jeune sous-officier de l'armée de Terre. Qui prendra la bonne décision, cela va sans dire (anecdote livrée par le CEMAT actuel, quelques jours après son arrivée aux affaires). Autre retex, après Bouaké, on ressortira dès lors les canons de 20 mm pour protéger les FOB, où qu'elles soient en Afrique. L'auteur le constatera même lors d'un Fatextel suivant ces évènements, sur une base logistique. Dernière conséquence, le 35e RAP d'une 11e BP promue brigade de l'urgence a récupéré, dix ans après les avoir perdus, ses postes de tir Mistral.
(2) Le récit des missions des Balatat a été livré dans le Hors Série Opex aviation de Raids, en kiosque actuellement.
(3) Mis en cause par la suite dans l'affaire Mahé, Henri Poncet, tacticien hors pair, aura sans doute sauvé des vies françaises, civiles et militaires, pendant les heures ivoiriennes difficiles qu'a connue la France, à cette époque, à Abidjan, mais pas seulement. Rappelons que cet ancien para colo (3e RIPMa) au caractère entier, rompu aux opérations africaines, fut aussi GCOS (2001-2004). Dans cette fonction, il fut (notamment) à l'origine de l'opération d'infiltration qui permit d'ouvrir la porte à Bunia en RDC, en 2003. Pour préserver sa foudroyance, le général avait la fâcheuse habitude de limiter les rapports qu'il faisait aux politiques parisiens ; qui ne l'auront pas oublié, au moment de la disgrâce.
(afin que ce post reste bien visible toute la journée, je ne mettrai rien en ligne d'ici 18 heures, pour de nouveaux rendez-vous avec l'actu parlementaire, et l'actu tout court. Bonne journée à tous).
NB : on me signale par ailleurs que le CDC du 2e RIMa, a présidé la prise d'arme à la mémoire des trois marsouins du régiment.