Il y a deux mois, la France lançait l'opération Serval, après plusieurs jours d'hésitations. L'action de l'armée française aura eu pour effet de stopper les djihadistes qui s'apprêtaient à faire de Bamako leur capitale
, et de les faire sortir des principales agglomérations du Nord-Mali. Mais la lutte contre ces djihadistes jugés très motivés et déterminés durera encore des mois. Si ce n'est plus. Toute la région est gangrénée : comment justifier de ne s'occuper que du Mali ?
. 4 soldats français (deux engagés, un sous-officier, un officier) sont morts les armes à la main. Moins d'une dizaine ont été blessés dans ces combats. Et plusieurs dizaines ont été évacués du fait des conditions environnementales. De leur côté, les djihadistes ont perdu environ 600 des leurs, mais ce n'est que la moitié du total estimé qui descendait vers le sud, le 11 janvier. Les autres n'étant pas partis à la pêche, il reste du travail pour l'armée française.
. 6 hélicoptères ont été grièvement touchés, et une demi-douzaine de véhicules ont été endommagés par des explosifs (IED, grenade française, mine).
. peu de crash programs ont été lancés, du fait de la continuité des matériels avec l'Afghanistan. Des matériels de lutte contre les IED développés pour l'Afghanistan ont été récemment mis en oeuvre. Mais du fait de la persistance de troupes françaises en Afghanistan, certains matériels (VAB-TOP) ont été peu envoyés au Mali, ou d'autres, en quantité insuffisante (gilets pareballes récents, surprotections pour véhicules).
. les verdicts de l'Afghanistan se confirment pour certains matériels récents : le Rafale est déployé sur son quatrième théâtre, et tient bien la chaleur (et la poussière) en livrant souvent même plus que la lumière. L'airburst lancée par Mirage 2000D fait de gros dégâts. Le Tigre résiste bien aux tirs, mais l'armée de terre n'en a toujours pas assez à déployer, obligeant à mobiliser des Gazelle peu protégées. Le Félin est toujours trop lourd. Et le VBCI passe finalement à peu près partout. Le VBMR, plus largement Scorpion, a donc des soucis à se faire, surtout avec les coupes qui s'annoncent.
. même si elle peut de temps à autre s'appuyer sur un souci légitime -la protection des opérations-, la guerre menée à l'abri des journalistes se retourne contre ceux qui ont fait ce choix. La présence de forces spéciales n'est aussi qu'un argument partiel (1). Le secret des opérations aussi : à Tessalit, les transmissions satellites sont de toute façon assez difficiles avec la métropole. Et plusieurs journalistes -c'est mon cas- ont déjà participé à des opérations en Afghanistan, sans pour autant en communiquer les plans à l'insurrection. Cet argument particulièrement spécieux n'a donc pour résultat que de créer de la défiance.
. Comme Harmattan, Serval et le succès des armes n'auront aucune conséquence budgétaire. La logique, pour ceux qui ne l'avaient pas compris, est désormais totalement dépressive, il va donc falloir faire des choix, et les assumer. Il sera assez facile de rappeler les promesses des uns et des autres. Les parlementaires, qui ont le choix de voter ou de ne pas voter les suggestions qu'on leur propose dans un projet de loi de programmation budgétaire, pourront dire leur avis sur ce véritable déclassement que vont connaître les armées.
(1) plusieurs équipes de presse, et notamment plusieurs envoyées spéciales avaient été embeddées dans le GFS au Rwanda, en 1994 comme s'en rappellent avec émotion plusieurs vétérans des forces spéciales.
Post-scriptum : pour ceux qui connaissent mal les opérations aériennes, un sujet pédagogique de BFM TV.