Sous-titré "témoignages et verités sur le syndrome post-guerre", "l'enfer du retour" (Ed. Jean-Claude Gawsewitch) se lit d'une traite.
C'est l'épouse d'un officier qui écrit, dans un style précis. Le mari de Nina Chapelle -c'est un pseudo- est allé quatre fois en Afghanistan. Déjà il est revenu de la troisième nettement fragilisé. Mais il est reparti quand même, pour trois mois. Son quatrième séjour lui aura été sans doute fatal. Si le livre ne donne pas plus d'explications claires sur l'origine de ce PTSD, il balaie par contre la descente aux enfers qu'a connue cette famille -le couple a deux enfants-.
Aucun détail n'est épargné, de l'enfermement, aux impacts multiples sur le couple, le moral des enfants qui ne peuvent comprendre la blessure morale de leur père. Le déclenchement d'un incendie dans leur maison, pour repousser les insurgés qui l'attaquent...
Les outils existants ne répondent pas : "je me tourne vers une cellule spécialisée dans la prise en charge des soldats blessés et des familles de soldats. Sur le répondeur, je laisse deux messages, sans qu'on me rappelle. Je téléphone de nouveau, pour m'entendre dire que cette association ne prend pas en charge les familles de soldats victimes d'un traumatisme post-guerre, parce que la maladie mentale ne corespond pas à son savoir faire".
L'unité d'origine -elle n'est pas précisée- en prend aussi pour son grade. Seuls quelques camarades viennent prendre des nouvelles, à titre individuel. Finalement, "Nina Chapelle" se dit plus soutenue par le regard et les phrases de policiers, de pompiers qui viendront prendre son mari en charge, lors d'une crise. Cette plongée en enfer la rapproche de son beau-père, un ancien militaire avec qui le contact avait été difficile par le passé.
Le livre pose aussi des questions dérangeantes pour le système. Des soldats qui sont passés au travers du système du sas, ou du maillage de soutien psychologique mis en place. Un ancien soldat qui meurt de froid. Un autre qui tente de se suicider, un autre sous curatelle après un internement de plusieurs semaines. Qu'est devenu celui-ci qui aurait pu tuer sa compagne lors d'une crise ? Ou de cet autre, confronté à l'intransigeance de fonctionnaire tâtillons pour mettre en place son dossier de pensions ?
Par delà ce témoignage brut et cru, le livre intègre aussi un long éclairage du général Elrik Irastorza (ancien CEMAT), qui a contribué à prendre en compte cette problématique, en doublant les effectifs spécialisés dans le suivi des dossiers, ou en acceptant de se faire conseiller par une spécialiste du sujet. Mais le travail ne fait que commencer, et pour ceux du Mali, le sas ne sera pas de trop.
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