C'est une antienne que l'on avait déjà entendue dans la bouche d'un ancien CEMA : les affaires de récupération des otages disperseraient les efforts les forces armées de leur missions de terrain. Cette fois, ce sont des acteurs de la sphère du renseignement qui disent à peu près la main chose à Georges Malbrunot (1) dont on peut lire l'article dans le Figaro de ce matin. "Même si nous sommes aussi payés pour cette tâche, cela nous détourne de notre coeur d'activités... Notre unité de contre-terrorisme ne fait pratiquement plus que cela" affirme ainsi au confrère un "cadre" de la DGSE.
La cadence est en effet élevée, si l'on en croit la statistique produite dans Le Figaro : l'enlèvement de cinq ressortissants français au Sahel serait ainsi la 53e affaire du genre depuis août 2002, soit une belle cadence d'un dossier tous les deux mois (2). De quoi noyer, en effet, les efforts de nos services dont les effectifs -tant en moyens de recherche, que d'intervention sur le terrain- ne sont pas taillés pour un tel niveau d'action. Sans compter que dans le cas qui nous occupe, l'Afrique a clairement perdu, à la Piscine, l'importance qu'elle avait à une époque, tout simplement parce que le politique a décidé de "plier les gaules".
Or, on le sait, la pression du même politique (sans oublier celle de la presse, dès que les otages sont journalistes), évoquée également dans l'article de Malbrunot, est constante car les affaires de kidnapping créent en général une forme émotion dans l'opinion publique. Avec cinq ressortissants -dont une femme- enlevés d'un coup, on peut donc imaginer sans peine l'intérêt que suscite ce 53e dossier.
De quoi faire presque oublier qu'un des agents de la DGSE a débuté ce matin sa 431e journée comme otage, quelque part en Somalie. La question de savoir, si le cas de ce militaire est vraiment prioritaire, sur celui d'otages civils, étant clairement posée.
(1) lui-même ancien otage.
(2) tous les enlèvements de ressortissants ne sont pas traités par la DGSE : seuls le sont ceux en zone particulièrement troublée, comme l'Afghanistan, les pays du Sahel, le Soudan, etc. La Colombie ne faisait pas partie de cette liste, mais la DGSE avait cependant traité le dossier Bethencourt. Les enlèvements dans les autres pays sont traités par la CIN, créée en 2006. Le RAID (service de gestion de crise de la police) peut aussi être amené à récupérer directement des ressortissants à l'étranger. Quant au GIGN, il ne communique pas sur ces sujets. Même s'il est de notoriété publique que les négociateurs du Groupe s'étaient très largement impliqués dans le dossier du Ponant (30 otages), à Marseille et au large de la Somalie-même.