L'enquête préliminaire devait durer deux semaines, elle aura été expédiée en moins d'une semaine, suffisant à lever toute forme de doute. Le CEMA a reçu lundi les éléments du REPFRANCE, sur un dossier difficile : la suspicion de tirs fratricides, désormais avérés, en vallée de Bedraou, le 23 août. 48 heures après réception, l'EMA s'est décidé à communiquer sur l'erreur et livrer ses éléments d'explication.
Encore deux blessés à l'hôpital
L'erreur est reconnue, mais pas de responsabilité connue, pour autant. Attendre plus longtemps, c'était prendre le risque de laisser accroire que l'état-major avait quelque chose à cacher. Prendre l'initiative de communiquer, c'est donc la garder (l'initiative), et c'était l'urgence.
Seulement rien n'est vraiment réglé.
Deux des trois blessés du 21e RIMa restent en effet à l'hôpital, et l'un d'eux, dans un état grave, mais si ce dernier n'inspire apparemment plus de crainte. L'attitude des trois soldats -et de leur famille- est aussi imprévisible, une fois qu'ils auront pris conscience de ce dont ils ont été victimes. Même si un soldat connaît les risques en partant en opérations, et ceux-là, comme les autres.
Bedraou constituerait le premier tir fratricide subi par des Français en Afghanistan, ce n'est pas le premier enregistré depuis 2008 par la coalition et l'ANA. C'est notamment un des premiers risques encourus par les OMLT, plus largement, par les instructeurs français opérant en Afghanistan.
Conséquences sur les opérations
Cette affaire douloureuse ne sera pas sans effet, non plus, sur les opérations, de la tête, jusqu'au plus bas niveau tactique. Le premier des risques générés est que la crainte de l’erreur ne bride encore plus l’ouverture du feu. Déjà, les soldats, en première ligne, critiquaient, à mots couverts, quand ce n'est pas ouvertement, la retenue dont pouvait faire preuve leur hiérarchie, souvent, estimaient ces plaignants, dans la peur des conséquences sur l'opinion publique française. Après l’épisode de Bedraou, la retenue risque d'encore s’accroître. Au risque, que des soldats français en pâtissent.
L'autre risque est encore plus évident : c'est que faute de solutions techniques rapidement disponibles, et ou à 100% efficaces, on fasse évoluer les modes opératoires. Les risques de tirs fratricides sont moindres de jour, seulement la surprise l'est aussi... Les troupes françaises sont systématiquement jalonnées, dans le paysage afghan, c'est bien ce qui fait le "succès" des insurgés. Et particulièrement en vallée de Bedraou, où tout, y compris le relief et le végétation, accentue "l'efficacité" de l'insurgé. Il est donc impossible de faire la guerre seulement le jour.
Enfin, même s'il est incorrect de le lier aussi directement, il est cependant évident que la puissance de feu rééllement décuplée (au sens littéral du terme) dont ont progressivement bénéficié les troupes françaises après le sous-équipement d'Uzbeen (1), alors que la zone d'action n'a pas varié, a statistiquement augmenté le risque de dommages collatéraux. Même si le soldat français est connu pour sa discipline de feu, même s'il est de mieux en mieux préparé, etc.
Même si cela ne constitue qu'une mince part du dossier, il est impossible de ne pas aborder, également, les conséquences, sur la carrière du VBCI. Même si le matériel lui-même ne semble pas en cause, il sera forcément pointé du doigt par les concurrents de l'engin français. Dans la guerre économique que se livrent les constructeurs, une telle aubaine est inratable.
(1) dans l'ordre chronologique depuis fin août 2008 : un renforts immédiat de mortiers de 120 mm, puis, livrés en 2009, 8 canons Caesar, 3 hélicoptères Tigre, les VAP-TOP 12,7 mm, les lance-grenades automatiques de 40 mm. En 2010 ont été injectés les VAB Hot, les renforts en AMX10RCR, et désormais, les VAB-TOP 40 mm.