S'adresser à son député permet de faire remonter des informations... et des questions. Illustrations avec la mère d'un soldat que vient de rencontrer la députée de Gironde Michèle Delaunay, comme elle le signalait sur son blog le 24 août. L'élue socialiste, par ailleurs médecin des hôpitaux de formation -cela se lit- vient de faire remonter ses interrogations vers le ministre de la défense. Voici ses questions, dont une partie est déjà parue au journal officiel ce mois-ci, et l'autre est en cours. J'ai choisi de les retranscrire intégralement, pour que les militaires puissent juger des interrogations de la représentation nationale, et pour suivre régulièrement ces questions écrites, il est extrêmement rare... qu'elles concernent les soldats d'active, ou leur conditions d'exercice.
Voici la première question :
" Michèle Delaunay demande à Monsieur le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants
de bien vouloir lui préciser les dispositions prises pour l’appui psychologique des soldats de retour d’Afghanistan. Michèle Delaunay désire également connaître les modes de prise en charge, leur durée ainsi que le suivi des soldats à moyen terme.
De la même façon, elle lui demande de lui faire connaître les moyens mis en oeuvre pour venir en aide aux familles après le retour d’un soldat ayant été soit blessé, soit traumatisé sur le plan psychique pendant sa mission en Afghanistan.
Alors que nous apprenons le décès du soixante quinzième de nos soldats, cette demande s’étend bien entendu aux familles dont un enfant, un époux ou un parent a été tué sur le champ des opérations."
Voici la deuxième question :
"Michèle Delaunay demande à Monsieur le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants
combien de nos soldats ont été engagés sur le territoire afghan depuis 2001. Elle souhaite savoir combien d’entre eux ont été blessés et chez combien d’entre eux ont été diagnostiqués des troubles ou des signes psychiques pouvant être mis en relation avec leur mission en Afghanistan. Michèle Delaunay désire également savoir si des tentatives ou des suicides aboutis ont été enregistrés dans l’année suivant leur retour en France ainsi que leurs nombres".
Voici la troisième question :
"Michèle Delaunay interpelle Monsieur le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants sur l'insuffisante reconnaissance par l’opinion publique du service rendu par les soldats engagés en Afghanistan. Les forces françaises sont présentes en Afghanistan depuis 10 ans dans une guerre qui ne porte pas son nom. A leur retour, les soldats sont confrontés à une relative indifférence de la population française alors qu’ils ont, pour la grande majorité d’entre eux, risqué leur vie, subi des missions difficiles et laissé de nombreux camarades sur le terrain.
Le retour de ces soldats sur le sol français s’accompagne souvent d’une blessure psychologique liée aux conséquences des traumatismes opérationnels. La réadaptation à une vie ordinaire est d’autant plus difficile que leur engagement n’est que peu reconnu par la population française et leur action sur le terrain mal comprise par insuffisance de connaissance des Français de ce pays lointain et des enjeux dont il est le centre.
Afin de lutter contre ces troubles et un mal-être qui touche nombre de nos soldats, il est nécessaire de valoriser leur action et leur engagement après leur retour en France.
Indépendamment des interrogations et des réserves qui peuvent accompagner notre engagement en Afghanistan, il faut, en premier lieu, que les politiques et les responsables aient à coeur d’expliquer la situation sur le terrain, de révéler le sens et la nature de l’engagement militaire et de valoriser le rôle et les missions de ces hommes et femmes.
Michèle Delaunay lui demande quelles mesures concrètes il compte prendre afin que notre pays, ses élus et ses responsables manifestent leur reconnaissance et leur compréhension aux soldats qui paient un lourd tribut à notre engagement en Afghanistan".
Et voici la quatrième question :
"Michèle Delaunay interpelle Monsieur le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants sur l’agenda précis du retrait total des troupes françaises d’Afghanistan ainsi que sur les modalités de sa mise en oeuvre.
Le 12 juillet 2011, le chef de l’Etat annonçait le retrait total des effectifs militaires présents en Afghanistan pour l’été 2014 ainsi qu’un retrait partiel, un quart des troupes, fin 2012. Alors que le soixante-quinzième de nos soldats vient de tomber en Afghanistan, 2011 s’avère être dès à présent l’année la plus meurtrière pour les troupes françaises déployées dans ce pays en guerre, avec 23 soldats tués. Une récente étude vient de conclure que proportionnellement au nombre de soldats engagés, l’armée française est actuellement la plus exposée aux pertes humaines avec 0,42 soldat tué pour 100 soldats. Cette étude confirme l’accroissement manifeste du nombre d’attaques contre nos soldats et du nombre de décès.
Au lendemain du 14 juillet dernier, le Président de la République avait initié une réunion dite de sécurisation de nos soldats en territoire afghan. Nous mesurons aujourd'hui l'échec voire l'impossibilité de cette sécurisation.
Alors que les Français sont en grande majorité opposés à cette guerre dont ils ne comprennent plus les motivations et dont les pertes humaines sont de plus en plus mal acceptés au vu de l’annonce du retrait des troupes, Michèle Delaunay demande à Monsieur le Ministre l’agenda précis ainsi que les modalités du départ total des troupes françaises engagés en Afghanistan."
Cinquième question :
" Michèle Delaunay demande à Monsieur le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants de bien vouloir lui préciser le calendrier mis en place pour l’attribution de la campagne double au titre des opérations conduites en Afghanistan.
En février 2011, Monsieur le Premier Ministre annonçait la décision d’accorder le bénéfice de la campagne double aux militaires français engagés en Afghanistan. Cette décision était attendue depuis longtemps par ces combattants.
Actuellement, les opérations menées par l’armée française dans ce pays ne sont pas qualifiées comme étant des opérations de guerre. Or, la bonification des pensions des militaires ne correspond pas à la réalité et relève de la campagne simple, comme les autres opérations extérieures.
Michèle Delaunay lui demande donc sous quel délai la campagne double sera accordée aux militaires engagés en Afghanistan, selon quelles modalités d’attribution et si elle sera, comme annoncée, rétroactive".
Post-scriptum : Il fallait bien que cela arrive : bien trop de questions sur l'Afghanistan restent encore sans réponse quand on les pose, et pour les avoir posées, déjà, je sais que celles qui précèdent vont rendre célèbre son auteur dans la troupe. L'engagement en Afghanistan a généré 75 morts, c'est aujourd'hui le premier poste budgétaire en opex, il était inévitable que l'absence de réponses finisse par attirer les interrogations des élus qui ne vivent pas en vase clos, qui croisent, très régulièrement leurs administrés. Avec une communication ministérielle minimaliste, et l'absence de réponses sur ses propres promesses (notamment pour mieux faire rayonner l'engagement de ses propres soldats... ou sur la campagne double), le ministère se retrouve piégé. En seulement cinq questions.
PPS : l'élue avait déjà posé en juillet une question sur les conséquences des restructurations de défense liée aux BDD. Elle évoquait notamment le suicide de deux personnels civils et d'un militaire, depuis 2008, dans la zone de défense sud-ouest. Ou une autre, le 10 mai, évoquant l'arrivée de 9,57 tonnes d'héroïne afghane en France chaque année, et une autre, en mars, sur les maladies professionnelles des militaires.