Demeurer en Afghanistan risque de devenir un acte de courage politique (par delà l'acte de courage pour ceux qui y sont) car les chiffres livrés par un sondage publié dans le Figaro, ce matin, ne sont clairement pas bons. L'IFOP livre les chiffres par ailleurs intéressants puisqu'ils concernent la France et les Etats-Unis, sur des questions posées dans les mêmes termes. Pour éviter de piller le Figaro, je renvoie en fin de post à l'article lui-même mais je retiendrai déjà que 86% des sondés redoutent une enlisement, et que 64% des Français s'opposent à l'engagement français. Le clivage, selon le sondage, devient de surcroît aussi politique, puisque 26% seulement des sympathisants PS soutiennent l'engagement, chiffre qui grimpe à 56% chez les sympathisants de l'UMP. Et il n'y a plus que 50% des sondés à croire à l'argument que notre présence la-bas permet de lutter contre le terrorisme. Je m'enorgueillis de faire partie de ceux qui croient à notre utilité, là-bas mais pas à n'importe quel prix. Surtout, la première contrepartie est une communication sincère, non partisane, et qui s'adresse à tous (1). Hervé Morin lui-même l'avait remarqué, quand il était arrivé à son poste, s'étonnant que des Français découvrent que nous sommes engagés en Afghanistan. Le journaliste que je suis n'a pas constaté de vrais progrès.
Plus que les chiffres eux-mêmes, je crois aux réalités qui les sous-tendent. Nos sondés sont plongés depuis un an dans une ambiance de crise économique qui n' a jamais rendu une quelconque guerre populaire. Mais elle est aussi violée régulièrement par des images brutes (mêmes bordées de flashback familiaux) que l'opinion publique n'a pas envie de voir, finalement. On peut faire des dîners en ville (rien à voir avec l'opération éponyme) sur le sujet, on n'y changera rien : la résilience des Français ne peut pas être supérieure à celle de son élite.
Quand les morts au combat canadiens reviennent au pays, leur convoi funéraire impose le respect de la population, sur le bord des autoroutes : on n'a jamais vu cela chez nous. Parce que les chiffres d'audience du 14 juillet sont bons, on s'est toujours imaginé, dans ce pays, que le Français soutenait son armée... Dans un récent sondage en Grande-Bretagne, une majorité écrasante des interrogés réclamaient un meilleur équipement pour leurs militaires : un tel élan de sympathie n'a jamais été mesuré dans une étude d'opinion, en France.
La communication sur l'engagement en Afghanistan est enfin, me semble-t-il, erratique. La volonté de ne laisser filer que les bonnes nouvelles a rendu toute communication, toute production médiatique, suscpicieuses, aux yeux d'une frange grandissante de l'opinion (et, je le confesse, à mes yeux). Certains imaginent, avec raison, une collusion entre journalistes et responsables militaires. L'absence totale de recul des uns et des autres pouvant, en effet, produire ce type d'effets.
Personne n'a oublié les maladresses de commuinication d'Uzbeen, ni celles qui ont suivi : je paierai sans doute aussi pour l'avoir écrit après l'avoir dit. Mais l'avantage, quand on n'a plus rien, c'est qu'on ne peut plus rien vous faire payer.
Les résultats du sondage du Figaro sont ici : http://www.lefigaro.fr/international/2009/08/19/01003-20090819ARTFIG00005-afghanistan-les-americains-plus-optimistes-que-les-francais-.php
(Sondage réalisé sur 1008 personnes de plus de 15 ans du 10 au 18 août.)
(1) pour moi c'est symptomatique, les photos de la cérémonie en l'honneur du marsouin du 3e RIMa ont fait certaine "unes", mais pas celle du site internet du ministère de la Défense. J'ai même eu du mal à les y trouver.