samedi 22 août 2009

Doubler les ANSF : on risque de manquer de bras

La volonté du secrétaire général de l'OTAN de doubler (à 400.000) les effectifs finaux des forces afghanes de sécurité (ANSF), dont l'ANA, risque de poser assez vite quelques problèmes concrets. Il y a d'abord le problème de la rémunération, dans la durée, de ces soldats, par l'avant-dernier pays le plus pauvre du monde, et dans lequel l'argent public a du mal à rester dans les circuits publics. Dans un premier temps, on ne manquera sans doute pas de cassettes occidentales pour alimenter le budget afghan, plutôt que d'exposer ses propres soldats, mais sur la durée, on peut s'interroger.
Deuxième problème, susciter des candidatures viables alors que déjà, l'ANA ne refuse pas du monde : l'ANA diffuse sans discontinuer des spots de recrutement à la télévision, et on trouve des affiches de recrutement un peu partout. Autre souci : les capacités de formation tournent déjà à plein régime. Pour des résultats qui ne sont pas toujour à la hauteur de l'investissement, car on a voulu privilégier la quantité sur la qualité. Et on n'a jamais vu une armée nationale sortir du néant en quelques années.
Si les mentors constatent de réelles qualités chez certains militaires afghans, il n'en va pas comme cela pour tous. Le manque d'instruction est le problème n°1, qui bride bien des manoeuvres concertées de l'ANA, qu'elle le fasse en autonome, ou en concertation avec des troupes de l'ISAF.
De plus, l'engagement des troupes est à géométrie variable. Notamment lorsque les unités afghanes agissent dans la zone dont elles sont originaires (1), redoutant des mesures de rétorsion des insurgés sur leurs familles. Comme on l'a bien vu dans le documentaire de M6 consacré aux chasseurs alpins, pendant la bataille d'Alassay, l'ANA s'est "replié" en bon ordre, laissant le terrain aux Alpins. Comment faire alors, puisque la stratégie française, c'est bien de se déployer systématiquement avec les kandaks ?
Pas de bonne troupe sans cadres de valeur, et là aussi, le bilan reste mitigé. On trouve parmi les officiers des anciens moudjahhidins qui savent faire parler les signaux de fumées, les cailloux orientés, et les "replis" des insurgés. Mais on y trouve aussi des membres de l'élite intermédiaire qui s'achètent ainsi une "charge".
Dernier étage de la fusée ANA, les mentors, qui opèrent au sein des OMLT (ETT chez les américains). Là aussi on sait qu'on manque d'OMLT : je n'ai pas trouvé de réponse à mes questions sur le sujet à l'ISAF. Il est vrai que la nature du job, opérer en première ligne avec l'ANA ne créé par un enthousiasme excessif chez tous les contributeurs de l'ISAF.
La France n'est pas blâmable : avec 380 soldats dédiés à la formation, elle arme 6 OMLT (2), et a fait partie des premiers à alimenter cette mission noble. Elle y a perdu aussi plusieurs hommes de valeur : l'ajudant Laurent Pican (OMLT/13e BCA), l'adjudant-chef Pascal Correia (GCP/1er RCP), le capitaine Patrice Sonzogni (OMLT/35e RAP), et une bonne partie des blessés français.


(1) mais quand les soldats de l'ANA sont trop éloignés de leur famillle, les désertions montent en flèche : insoluble.
(2) en plus, une quinzaine de commandos sous responsabilité américaine forment les forces spéciales afghanes, tandis que la France forme également les officiers afghans (Epidote).


Notre photo : un succès apparemment indéniable, la mise en place de l'ALAT afghane, avec des mentors américains. (crédit : DoD)