Le cycle Indochine au musée de l'Armée, ce sont aussi des films et documentaires diffusées nuitamment sous
les Invalides. Hier soir, une poignée de spectateurs, qui a néanmoins rempli le ciné-amphi, a pu découvrir la version originale du premier film de Claude Bernard-Aubert, "Patrouille sans retour".
Cet ancien opérateur d'images des armées avait tourné ce film en 1956, avec un seul acteur professionnel. Les autres étaient choisis parmi les derniers militaires français présents sur place.
Pour l'époque, déjà, un avant-gardisme de trop pour certains. Le thème évoqué, l'abandon des postes isolés par Paris (et Hanoï) en était un de plus, si bien que le film d'origine, visionné hier, n'a pas survécu à la censure militaire. Et comme les représentants du cinéma, eux, avaient choisi de ne pas siéger à la commission, assure le réalisateur, la censure militaire s'en est donnée à coeur joie.
La fin a été changée (mais on ne l'a pas vue hier dans la version restaurée), tout comme le titre, jugé pas assez patriote. Le film est donc devenu "Patrouille de choc", ce qui colle assez peu, de fait, à la réalité du film.
Mais de quoi parle-t-il, ce film ? Du lien à la population (évoqué en 1968 dans les "Green Berets" de John Wayne), d'un petit groupe d'hommes isolé et condamné (thème labouré par Pierre Schoendoerffer en 1965 dans la "317e section"). Et du quotidien de ces soldats. Bref, des thèmes qui n'allaient pas de soi dans le cinéma de 1956, dans un pays qui avait déjà basculé de l'Indochine à l'Algérie.
Malgré toute sa naïveté assumée de premier film, un film qui a mérité sa résurrection, après trois ans d'efforts soutenus par le musée de l'Armée, et quelques autres têtus.