Même si concrètement les contacts ont déjà été noués de longue date, on retiendra pour l'histoire
officielle que c'est avant-hier et hier que la RCA a connu un changement de braquet, côté français. La presse étrangère à Paris a reçu des éléments de la pensée de Paris, mercredi, et hier midi, c'était une chaîne de télévision. Or, on le sait, rien ne se fait plus, aujourd'hui, sans un minimum de communication (1) ce qui rendait les négations des uns et des autres difficiles à tenir dans la durée. Au risque de semer le doute dans l'esprit de la presse.
C'est aussi pour cela qu'hier après-midi, à Bruxelles, les représentants français ont officiellement informé les Européens de leurs intentions en RCA, tandis que le ministre de la Défense passait plusieurs coups de fil pour sensibiliser ses homologues à la situation de la RCA, et la réponse militaire qu'elle appelle. Sur ce point, il ne reste plus vraiment de doute, ce blog ayant déjà livré l'essentiel des moyens, le reste, avec quelques surprises, sera connu dans quelques jours.
C'est que l'ONU a déjà recensé 400.000 déplacés internes, et que les réfugiés se sont déjà massés en RDC (45.000), au Tchad (15.000) et au Cameroun (5.500).
Placée comme son nom l'indique au centre de l'Afrique, la RCA peut donc déstabiliser une région déjà pas très bien campée sur ses jambes. Si on rajoute à cela que depuis cet été, aux dissensions politiques se sont rajoutées des violences intercommunautaires (au moins 200 morts depuis septembre, écrit-on à Paris), on mesure l'épaisseur du dossier.
Ces violences rendent quasi-impossibles l'assistance humanitaire. D'où l'urgence d'une intervention française, attendue en fait beaucoup plus tôt et qu'une scénographie assez lisible (2) tente d'accélérer un peu.
Comme on le fait comprendre à Paris, les coupeurs de routes de RCA ne sont pas les farouches djihadistes du Mali. Peut-être pour l'instant, car certains seront peut-être tentés de radicaliser les musulmans centrafricains, et d'envoyer des "volontaires" faire du bilan sur les Français. On ne manque jamais de volontaires dans ces cas-là... Une fois n'est pas coutume, l'armée française va devoir marcher sur des oeufs, entre plusieurs communautés séparées par une religion. Une somme d'ingrédients qui rendent cette intervention particulièrement délicate, et pour tout dire, extrêmement risquée. D'autant plus que l'on risque vite de remarquer que les exacteurs sont, en fait, ceux qui ont été laissés tranquilles, depuis décembre 2012, alors même que la France a envoyé des moyens dans le pays à deux reprises (décembre 2012 puis mars 2013). Toute analogie avec une opération du même type ne serait que fortuite.
Actualisé : le Dixmude, désormais à quai à Douala (Cameroun) attend les ordres présidentiels. Venus avec lui, 350 militaires et une centaine de véhicules, parmi lesquels le volume d'un escadron de combat et des moyens de logistiques. Deux Gazelle sont également à bord prêtes à suivre.
(1) néanmoins, l'opinion publique risque d'être plutôt amorphe sur cette énième intervention : la deuxième opération d'envergure depuis juin 2012, et la troisième en RCA depuis le mois de décembre 2012.
(2) le plus évident étant le fait que ce soit le PM centrafricain qui ait donné les grandes lignes de l'intervention française.