Deux responsables de communication au ministère témoigneront demain devant la mission
d'information sur Serval. Ce devrait être la dernière audition avant la remise et l'examen du rapport, le 9 juillet (1).
Pierre Bayle, arrivé en cours d'opération à la tête de la DICOD, et le colonel Thierry Burkhard, qui assurait sa troisième année à l'EMA comme conscom (Afghanistan, Kenya, Côte d'Ivoire, Libye, Piraterie, et donc, Serval) n'ont pas fui leurs responsabilités, alors que dans la presse, la version qui prédomine est celle d'un retour en arrière, par rapport aux pratiques d'ouverture qui avaient existé, jusque là, en Afghanistan par exemple. Les députés de la mission ont eux-mêmes rencontré quelque difficultés avant leur déplacement sur place.
Le chargé de communication du ministre, Sacha Mandel, dont j'indiquais qu'il figurait sur la liste de la commission, m'assure ce soir qu'il n'a pas été invité à se présenter à l'assemblée, ce qu'il n'aurait pas refusé en tout état de cause. Le député Christophe Guilloteau, qui m'assure de son côté l'avoir bien invité, réitère ce soir son invitation au collaborateur du ministre. Le témoignage de Sacha Mandel est en effet très utile aux rapporteurs pour comprendre la communication sur Serval, puisqu'il a participé à toutes les réunions quotidiennes du cabinet défense sur Serval. Venu du privé, il a, selon les journalistes qui ont pu en profiter, joué un rôle particulièrement actif pour vendre l'image du ministre dans cette crise majeure, la première qu'il affrontait depuis son arrivée à Brienne.
De nombreux briefings et déjeuners ont été organisés au profit de mass media à Paris, pour occuper la fréquence. L'émission Envoyé spécial (2), comme France 2, qui la diffuse, ont pu bénéficier d'un évident traitement de faveur dans les premiers jours de Serval, au grand dam des autres équipes qui étaient déployées sur le terrain, et qui s'en sont publiquement émues, à l'époque. France 2 a pu par exemple arriver à Gao avant tout le monde en profitant d'un Transall du COS. Les confrères ne tarissent pas d'anecdotes sur ces nombreux avantages ou sur les déficits de la communication militaire sur place.
Mais les militaires eux-mêmes sont assez critiques avec l'action de la presse sur place. Les journalistes qui souhaitaient à tout prix rester à Gao (et non Tombouctou comme je l'ai écrit dans la première version de ce post) ont failli être pris en otages par des djihadistes, le 13 février comme je l'indiquais alors. D'autres manquaient de rusticité, des témoignages m'étant revenu de consoeures qui couvraient cette guerre en tongs, avec peu d'équipement individuel, et de notions sur la vie avec une troupe.
Bref, chacun a des anecdotes poignantes sur les limites de l'autre : le résultat est là, chacun le juge en fonction de ses grilles de lecture.
Serval a néanmoins posé quelques problématiques nouvelles et très pratiques, que ne manqueront sans doute pas d'évoquer les témoins auditionnés par la mission : comment choisir les équipes embeddées sans se mettre à dos toutes les autres qui n'en sont pas, piratages de sites internet du ministère, attaques contre le Facebook de l'EMA, plus-value du site Mali-Cikan comme opération d'information de la population malienne, réflexion sur les médias sociaux, mais aussi problèmes pratiques dans la diffusion anarchique de photos et films de l'ECPAD avant même que la presse ne les ait reçues...
Etonnamment, et à ma connaissance, aucun débriefing sérieux de toutes ces questions n'a été effectué avec la presse.
(1) à peu près tous ceux qui avaient été listés par la mission ont répondu, sauf l'ambassade française à Londres.
(2) ce blog avait expliqué à l'époque comment l'émission avait malencontreusement dévoilé la présence de forces spéciales canadiennes dans cette zone, en filmant une de ces réunions de cabinet.