Le général Jean-Louis Georgelin, CEMA a affirmé, ce matin, que le coût des recherches des deux journalistes de France 3 dépasse les 10 MEUR, sans détailler le chiffre (1). Une enveloppe qui peut sembler, de prime abord, assez basse.
Si l'on se limite aux seules capacités matérielles, il n'y pas, à proprement parler, de surcoût : ces moyens sont sur place, même s'ils disposent d'un potentiel mensuel limité, si l'on considère le cas des moyens aériens. Mais des capacités consacrées normalement à des opérations militaires ont été détournées pour partie vers une seule mission, la recherche d'otages, qui fait partie... du spectre des opérations militaires.
C'est, encore plus que la dépense -quel qu'en soit son niveau- l'un des problèmes soulevé par ces opérations de recherches des deux journalistes français : le cycle opérationnel prévu a été bouleversé, et la population locale, dont les GTIA doivent gagner les coeurs, font l'objet de contrôles répétés, à la place. Cependant, traditionnellement, la France assiste ses ressortissants retenus en otages, sans distinction, quelles que soient les causes de leur capture.
Sans préjuger évidemment, en quoi que ce soit, la façon dont ces recherches peuvent bien être organisées, voici quelques éléments de réflexion chiffrés, en considérant que ces recherches ont commencé dès le premier des 55 jours de leur captivité, soit une moyenne de 181.000 euros par jour, si l'on s'en tient au chiffre du CEMA.
Le coût total annuel des opérations en Afghanistan s'élève à 393,75 MEUR, peut-on estimer à partir des propos du CEMA lors de sa récente audition à l'assemblée : un soldat français coûte 105.000 euros par an. Ce qui constitue un coût quotidien de 1,078 MEUR. Les opérations de recherches des deux journalistes absorberaient donc 16,8% des dépenses quotidiennes, dans ce raisonnement.
Voilà pour le global. Passons au particulier.
Le CEMA a évoqué ce matin la participation de drones Predator aux opérations de recherches. Je n'ai pas le coup horaire du Predator, qui ne fait pas partie de nos moyens, contrairement au Harfang. Le coût de l'heure de vol d'un drone Harfang est estimé à 12.600 euros (s'entend hors salaires, carburant, et soutien militaire) par un récent rapport parlementaire, écrit par Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet. Avec 10 MEUR, on couvre donc 793 heures de fonctionnement, soit, sur 55 jours, 14 heures de fonctionnement quotidien. Pas facile, avec seulement deux drones MALE, et donc, une météo peu coopérative.
On pourrait, de la même manière, tirer des plans sur la comète avec le coût horaire du Tigre (9.000 euros) ou du Caracal (6.000 euros), et mixer les données, en rajouter d'autres : les opérations de recherches emploient manifestement des moyens très diversifiés.
Pour être totalement objectif, et cette affaire en manque, on devrait, de la même manière évoquer le coût des trois opérations de libération d'otages au large de la Somalie : pourtant, aucun chiffre n'avait, alors, été même évoqué. Comme l'a noté aujourd'hui une réaction de France Télévisions, employeur des journalistes, le décompte des frais engagés dans une libération d'otages ne faisait pas, jusqu'à maintenant, partie de la tradition française.
Le + du Mamouth :
Ces chiffres sont bien évidemment de simples indicateurs, incontestés, pour poser le débat ouvert ce matin par le CEMA. Il va sans dire que le seul élément qui n'ait pas de prix, dans cette affaire, c'est bien sûr la vie humaine. Celle des journalistes, ou celle des militaires qui les cherchent.
(1) on le comprendra en le lisant, l'angle de ce papier factuel n'est pas d'avoir un avis moral sur les causes qui conduisent aux prises d'otages. La Pallice aurait pu nous le dire, un otage est un otage, quelles que soient les causes qui l'en ont amené là : il est privé de sa liberté.
Post-scriptum :
Le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, a critiqué ce matin sur RTL les propos du général Georgelin, sur Europe 1, les estimant inopportuns. "Franchement, je pense que ce n'était pas le moment de dire cela" a estimé le porte-parole, même si le temps venu, l'affaire méritera "transparence". L'intégralité de sa réaction sur le site du Figaro, ici : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/02/22/01011-20100222FILWWW00494-reporters-l-ump-critique-georgelin.php
Le général Georgelin, qui quitte ses fonctions demain, réunit donc une certaine unanimité contre lui : dès hier, il focalisait les réactions indignées du PS, de Reporters sans Frontières, de France Télévisions. Le syndicat national des journalistes (SNJ) a demandé, quant à lui, des "excuses", pour des déclarations "obscènes".
Par delà un évident problème de créneau, le tort du CEMA restera d'en avoir trop dit. Ou pas assez.