Sans être l'obsession de tous les militaires, la judiciarisation des affaires militaires interpelle cependant nombre d'entre eux. C'est donc avec une acuité particulière que seront suivies les premiers gros dossiers dans ce domaine. Certains, comme l'affaire Mahé sont en courte finale, avec un procès normalement prévu dans l'année. D'autres, comme la plainte de familles d'Uzbeen, progresse dans ce même sens, après le rejet du pourvoi du Parquet (1). D'autres, enfin, ne sont encore qu'à l'instruction initiale : c'est le cas de la tentative de libération des otages du Sahel par des commandos du COS en janvier 2010. Les principaux acteurs de cette opération ont déjà été entendus au moins deux fois, une première (2). Autre première, le COS a transmis à la justice des films pris dans airs, montrant une de ses opérations, passée à la postérité sur TF1.
Rien ne relie évidemment ces différents dossiers entre eux (3), les situations sont très différentes, si ce n'est que le secret défense n'a pas, et de loin, encore livré tout ses documents, sons, images, témoins. Or cette dimension n'est pas neutre : en déclassifiant des documents, en envoyant les bonnes personnes témoigner, un gouvernement peut accélérer la décantation d'une affaire... qui stagnait sous le précédent (4).
Or, dans une affaire qui n'implique pas des militaires, mais des salariés et sous-traitants de la DCN -comme on l'appelait à l'époque-, un proche de François Hollande, Bernard Cazeneuve, a demandé la semaine dernière la déclassification des documents jusque là restés sous le boisseau du secret défense. Il a également dénoncé l'entrave au travail de la commission d'enquête, et à celui de la justice, rappelant que la "vérité est un devoir d'Etat".
Où finit le devoir d'Etat, où commence sa sécurité ? Pas un sujet d'écrit pour l'entrée à l'école de guerre, mais une des nombreuses questions -très concrètes- qui devront être tranchées, dans les semaines et mois à venir sur ces quelques cas concrets... et peut-être quelques autres.
(1) Joël Le Pahun, père d'un para du 8e RPIMa tué à Uzbeen a demandé ce weekend la déclassification d'un rapport de retex.
(2) rappelons que le fait d'être entendu par un juge d'instruction n'est pas synonyme de culpabilité. C'est sur la base des preuves qu'est décidée la mise en examen, qui ne débouche pas systématiquement sur une condamnation : c'est à un tribunal d'en décider.
(3) et notamment le troisième, dans lequel tout ce qui était tactiquement possible semble avoir été tenté. C'est ce qui rend cette procédure unique, et pour tout dire, paradoxale.
(4) notons cette décision courageuse, annoncée le 4 mai -entre les deux tours de l'élection présidentielle- par la CCDSN pour autoriser la déclassification de 70 documents relatifs à l'affaire Karachi.