Près de 940 pages noircies sur la guerre de l'ombre des Français en Afghanistan, entre 1979 et 2011... C'est une petite gageure qu'a tentée Jean-Christophe Notin, dont le travail m'avait été évoqué par un des 250 témoins qui ont accpeté de le rencontrer pour écrire ce travail.
La force du travail réside plus, à mon sens, sur l'éclairage de la période entre le départ des Russes et l'arrivée des occidentaux. Notamment les rapports troubles générées par la realpolitik de la France vis-à-vis des différentes factions afghanes de ces époques, notamment les ... talibans, ce qu'au fil des années, in avait fini par oublier. La piqûre de rappel de l'écrivain est donc utile, et développée.
On comprend mieux les sources du désespoir du commandant Massoud, qui n'aura jamais réussi à convaincre totalement ses amis français, malgré le travail méritoire de quelques journalistes français, notamment Jérôme Bony et du regretté Christophe Ponfilly pour faire vivre l'Afghanistan dans la lucarne.
Le fil rouge de ce livre repose sur la diplomatie, celle animée sous les boiseries du quai d'Orsay, et celle de Kaboul, où les diplomates, comme les Kabouliotes, dégustent les roquettes lancées par les belligérants.
L'autre fil rouge est bien sûr le travail effectué par la DGSE, dont Jean-Christophe Notin revendique avoir interviewé une quarantaine de membres : là aussi, des plus hauts responsables aux agents de terrain, qu'on suit, avec fascination incrédule, au fil des pages. Des clichés allègrement blancotés montrent des troncs présentés comme des agents de terrain, dans deux cahiers photos.
Ce pavé qui se lit d'une traite rappelle aussi l'engagement d'humanitaires anonymes, dès les années 70, pour soulager la souffrance du peuple afghan.
Ce livre est néanmoins étonnament plus faible dans son récit de l'Afghanistan de l'après 11-septembre, malgré quelques détails fournis par les responsables de l'époque, notamment les aviateurs Jean-Patrick Gaviard (aujourd'hui consultant pour l'OTAN) et Patrick de Rousiers (IGA-Air).
Ce livre est bourré d'anecdotes, il est donc impossible de les rappeler toutes. Entre autres, je citerai les efforts d'un officier français pour ramener les corps de deux journalistes français, Johane Suton (RFI) et Pierre Billaud (RTL) tués en 2001 alors qu'ils accompagnaient l'Alliance du Nord. Cet officier serait, de fait, le premier à avoir pénétré en Afghanistan, le 11 novembre 2001. Ce même lieutenant-colonel fut, par delà cette anecdote, d'une aide incommensurable pour les troupes françaises, à l'époque.
Un livre qui me semble incontournable, et qui pourrait fournir une bonne base pour une saga télévisée sur l'Afghanistan.Celle-ci n'ayant aucune chance d'être tournée, lisez ce livre.
Editions Fayard, sortie le 25 mai 2011, 26 euros.