dimanche 8 mai 2011

In memoriam : Françoise Olivier-Coupeau

Les obsèques de Françoise Olivier-Coupeau seront célébrées demain. Plutôt que de revenir sur le parcours de cette députée de caractère, je préfère rappeler ce qu'elle était, et le travail que peut abattre un député de base qui choisit de s'impliquer, à la commission de défense. L'une et l'autre de ces dimensions sont visibles dans cette interview publiée dans le hors série opex 2009 de RAIDS.

Vous préconisiez dans votre rapport de faire cotiser les utilisateurs de la mer qui ne prendraient pas leurs précautions, dans les zones de piraterie, et de permettre aussi à la marine de bénéficier des embarcations de nacrotrafiquants qu’elle intercepte. Où en est-on, aujourd’hui sur ces dossiers ?
On n’a pas progressé. J’avais été marquée quand j’avais rencontré le commandant du Ponant de savoir qu’il était retourné déjà trois fois dans cette zone, depuis sa captivité. On comprend que dans certaines activités, on n’a pas le choix. Seulement, on ne peut pas laisser des gens travailler dans des conditions d’insécurité, et mettre en danger les militaires de façon excessive. La mer est un espace de liberté, et cela fait bien partie du devoir des militaires de sauver. Mais leur faire prendre des risques pour aller sauver un marin qui s’est mis volontairement en difficulté, c’est choquant.
Il faut que le ministère de la défense puisse aussi se rembourser de ses frais, tout en faisant du cas par cas, il ne doit rien y avoir d’automatique. Cependant, si l’on fait comprendre à certains que la Défense est en droit de demander des remboursements, les gens vont mieux s’assurer, et éviteront également certaines routes.
De la même façon, en cas de pollution maritime, tout le monde se fait rembourser, mais la Défense ne demande jamais rien pour elle, alors que des militaires sont engagés dans les opérations de dépollution, et parfois pendant une longue période.
Pour les récupérations de matériels de trafiquants, il faut aussi progresser. Les commandos marine m’ont expliqué que les go-fast qu’ils interceptent pourraient leur servir, pour la navigation ou pour récupérer des pièces de rechanges. A la place, ces hors-bord puissants pourrissent dans des hangars, ou sont revendus à l’euro symbolique !
Vous demandiez également une mission d’information sur l’externalisation en opex…
L’externalisation coûte souvent plus cher qu’annoncé, et n’a pas toujours grand intérêt. L’amiral Gillier m’a expliqué par exemple que deux cuisiniers externalisés ne faisaient pas le coup de feu, et qu’en plus, il fallait laisser des militaires pour leur protection !
Il y a des choses que parfois on ferait mieux de laisser en l’état. Autre exemple, au camp des Etoiles à Abéché, le devis de la restauration avait été fait pour 2.000 couverts, et il y en avait nettement moins, mais on a quand même facturé devis 2.000 couverts.
Vous avez eu une passe d’armes lors de la discussion budgétaire, avec Hervé Morin, sur les chaussures des marsouins du 3e RIMa, alors problème ou pas problème ?
Oui, évidemment qu’il y a un problème ! Caillasse, chaleur, les chaussures s’usent plus vite qu’en France, c’est une réalité. Je considère qu’il ne faut pas que nos militaires aient à manquer de choses aussi vitales que cela. Le CEMA nous dit que c’est une question de mode, mais nos soldats ont 40 kg sur le dos. Laissez-moi vous rappeler, quand je suis allé pour la première fois en Afghanistan, après l’embuscade d’Uzbeen, les parachutistes nous ont mis sur le dos ce qu’ils avaient à porter sur eux, cela nous a permis de mesurer pas mal de problèmes.
Effectivement, il y a eu des progrès avec les tourelleaux sur les VAB, les nouveaux gilets pare-balles ergonomiques, mais il a fallu attendre Uzbeen pour avoir une troisième Caracal, et des drones…
En petit équipement, on peut encore progresser. Des treillis vert sur le fond clair, c’est pas terrible ! C’est très bien aussi que les rubans jaunes, l’opération menée par Pascale Aragonès (épouse du chef de corps du 8e RPIMa) aient permis de financer l’achat de frigo pour permettre à nos soldats d’avoir de l’eau fraîche. Ce n’est pas normal que la Défense ne le leur paie pas, tout comme c’est anormal que les connections internet, pendant longtemps, n’aient pas fonctionné correctement, et que nos soldats doivent se rabattre, à Warehouse, sur l’internet des Américains. Tout comme on devrait avoir des paquets faciles à envoyer, gratuitement et à tout moment, de France, et que nos soldats reçoivent rapidement, alors qu’il faut, aujourd’hui, trois semaines… Bref, la condition du soldat doit progresser.
Que retenez-vous de l’engagement des marsouins du 3e RIMa, originaires de votre département ?
Ils ont fait leur devoir, avec un courage remarquable. Ils ont fait un bon boulot, en maintenant des positions, en en gagnant d’autres. On n’imagine pas ce qu’est l’Afghanistan, sans y avoir été. Un de mes premiers souvenirs, on était dans Kaboul, et on a entendu à la radio « suicide bomber dans toyota bleu ». Sur le chemin du retour, on appris que des soldats occidentaux avaient été tués… Quand on rentre, il faut se poser…
Vous approuvez donc la mise en place d’un sas de décompression ?
C’est absolument nécessaire. Des soldats qui ont tout vécu, il faut qu’ils dorment et qu’ils se nettoient la tête. Mais je penser que la fonction d’aide psychologique n’est pas suffisamment développée dans l’armée de Terre. Et il ne faut pas non plus négliger les familles. Le militaire ne vaut que par sa famille, et certaines épouses craquent, à cause du manque d’information, et des problèmes que peuvent connaître toutes les familles. Car il faut aussi gérer tous les problèmes du quotidien, le chauffe-eau qui pète, ne pas dire au mari que la voiture a claqué et que l’argent manque pour la remplacer…
Votre position sur les renforts ?
Note présence est justifiée, si on apporte par exemple des renforts de formateurs pour l’armée et la gendarmerie, du génie d’infrastructure. Mais il faut poser clairement la question de nos objectifs, les moyens de les atteindre. Et de s’engager sur un calendrier de départ de nos troupes.