Après les carnets de route afghans d'un colonel, d'un lieutenant, puis d'un sergent, voici celui d'un... padre, Jean-Yves Ducournau (1), titulaire de deux séjours en Afghanistan. Un livre au contenu plus prudent que le rapport largement diffusé par internet d'un autre padre -celui du 2e REP- mais qui héberge nombre de références utiles pour comprendre les réalités de l'Afghanistan de 2010.
Comme les écrits des fantassins parlent de l'engagement et des TIC, et des mérites comparés du Milan sur l'AT4CS, celui-ci héberge assez logiquement des références religieuses assez fréquentes qui peuvent désarçonner le profane, sans pour autant faire lâcher prise, du fait de la diversité des domaines balayés. Le lecteur visite ainsi les rapports parfois complexes entre l'aumônier et ses ouailles, ou le commandement, mais aussi l'intermédiaire constitué par ce porteur d'uniforme un peu spécial. Le padre des Bisons (après avoir été celui du 1er RI) affirme ainsi qu'il fit en sorte que les locataires du COP Hutnik puissent disposer d'un vrai petit déjeuner, qui n'était pas la règle, jusqu'alors, du fait de l'isolement du poste. En faisant remonter l'information, tout simplement.
Dans un historique assez opportun de l'Afghanistan, on apprend aussi que des religieuses catholiques durent porter burka sous l'ère des talibans, ou, quelques pages plus loin, pourquoi ce padre eut affaire à la... DPSD.
Au fil des pages, on découvre aussi le patrimoine immobilier assez ecclectique dans lequel l'aumônier réalise ses offices : du bunker de Tora, aux chapelles de toile des COP menagées à côté des chambres de passage. Au passage, l'homme de dieu s'interroge sur le devenir de ces enceintes, avec la transmission à l'ANA de la Surobi, et donc, d'une partie de ces postes français. Au détour de la conclusion et au registre des méditations, une digression autour du mot grec parakletos, assez proche du Pracleete que portent les soldats (un gilet pare-balles, NDLR).
Enfin, un bel hommage est rendu à l'ADC Thibault Miloche, infirmier des Bisons, 50e soldat français tué en Afghanistan. Au passage, les équipes médicales ont droit à un petit coup de projecteur. Et on se demande, alors, si ce ne serait pas au tour de ces anonymes de l'urgence médicale, finalement, de prendre la plume et de raconter leur Afghanistan, quitte à l'écrire à plusieurs mains : un des récits qui manque, aujourd'hui, sur cet Afghanistan dans lequel les Français opèrent depuis dix ans. 57 y ont, rappelons-le, ont laissé la vie.
(1) Les cloches sonnent aussi à Kaboul, itinéraire d'un soldat de dieu, Editions des Béatitudes, préface de Mgr Le Gal, postface du COL Jérôme Goisque, 368 pages, 17 euros.