L'embuscade du 18 août met à mal bien des aspects des opérations en coalition, tout en permettant d'en bénéficier de quelques avantages. Je ne reviendrai pas sur le premier, celui de pouvoir bénéficier d'un vol de Predator. Car dans la longue liste des atouts de cette coalition-là, on trouve les appuis aériens. Ce jour-là, les Mirage 2000D de Nancy doivent ronger leur frein à Kandahar, sans pouvoir aller secourrir leur camarades de l'armée de Terre : entre autres limitations, ils ne possèdent pas de canon interne (les SEM en ont, mais avec une faible quantité d'obus), et à Uzbeen, la GBU-12, même bien ciblée, n'avait pas forcément sa place. A la place, les avions de Bagram s'en chargent et l'USAF sort la crème de ses moyens : F-15, A-10 (construit autour de son celèbre canon multitubes "Avenger"), AC130, Predator (dans une série de créneaux...) vont survoler la vallée, et delivrer leur feux, une fois qu'on aura trouvé un JTAC pour le permettre. Et que la situation aéroterrestre, évidemment, sera totalement déconflictée (1).
On les oublie aussi souvent, une belle quantité de commandos de la TF51 sont aussi venus en QRF secourir les Français. Mais leur pays d'origine n'a pas à faire de choix, il peut donc aligner des FS qui auront donc été bien utiles.
Cà, c'est pour les bons côtés. Ils ont forcément leur pendant de désagréments. Le premier d'entre eux est peut-être ce commandement tournant qui échoit par roulement aux Turcs, Italiens et Français dans le RC-C. C'est un euphémisme de dire que chacun a ses standards opérationnels, et un autre de dire que les Italiens n'ont pas déployé une forte activité de patrouille en Surobi, après y avoir perdu leur premier homme. Récupérant ce district avec le commandement du RC-C, les Français récupèrent donc à l'été 2008 une zone sur laquelle on ne sait quasiment rien, si ce n'est que des insurgés y opèrent. C'est plutôt maigre.
Le seul souvenir du passage des Italiens à Tora, ce sont des inscriptions sur les murs.
Autre désagrément, les troupes du RC-C opèrent dans leur zone, en faisant appel parfois à des moyens aériens venant du RC-E, voisin, sous commandement américains. Les Américains sont des gens généreux, mais à qui il faut logiquement expliquer avant d'obtenir des moyens réservés, pour une opération. Donc parfois, on ne demande pas, pour ne pas avoir à s'expliquer. Autre problème, certains moyens sont porteurs de caveats, donc des hélicoptères, allemands par exemple, n'auraient pas pu être réquisitionnés par l'ISAF s'ils avaient été à proximité (ce qui n'était pas le cas) le 18 août.
Enfin, on le voit avec l'épisode des hélicoptères, les niveaux d'entraînement sont très différents d'une force aérienne à l'autre. La première tentative des Américains avortée (un Dustoff escorté d'un HH60H), il n'y en aura pas de deuxième. Et la nuit tombée, tous les chats sont gris : plus aucun hélicoptère allié ne vole en Afghanistan, à l'exception, dit-on, des forces spéciales. Il n'y a plus que deux hélicoptères -les deux Caracal français- en état de prendre l'air dans tout l'Afghanistan, où on compte alors une centaine d'hélicoptères de maneuvre. Même à Bagram qui en regroupe une bonne partie, impossible d'en trouver. Des arguments un peu difficiles à avaler.
Mais qui s'expliquent. Les pilotes du "Pyrénées" sont formés au pilotage de nuit dans des conditions très sévères, car c'est le milieu naturel de la mission resco, pour laquelle il se sont entraînés des années, et qui demeure aujourd'hui leur tasking n°1. Même pour les plus jeunes. Les pilotes US, eux, sont très jeunes dans le siège baquet, et disposent d'une expérience moindre en matière de pilotage sous JVN.
La "coalition", qui devait compenser le fait que nous ne déployions pas beaucoup d'hélicoptères, a failli, sur ce point précis. Seulement parce que la nuit était tombée (2).
(1) Ce jour-là, le système Scarabée aurait permis à tout le monde d'opérer un peu plus vite dans la compréhension de la situation, au sol puisque ce système développé par le CPA10 et l'équipe de marque Mirage 2000 du CEAM a mis au point un outil de transmission de situation tactique. On peut ainsi rensiengner des cartes, des photos, et les échanger avec un radio tacsat, tout en pouvant également échanger des sortes de SMS.
(2) quelques semaines apès Uzbeen, le général américain commandant le RC-E pesta contre ses équipages car un de ses déplacements avaient été annulés pour raisons météorologiques. Alors qu'on le lui apprenait, le général apprenait aussi que les Caracal étaient en vol..