La multiplication des livres sur l'Afghanistan, conséquence, peut-être, pour les plus récents, de la harangue du CEMA dans une enceinte parisienne, l'été dernier, génère une large variété de genres. Du journal de marche façon Nicolas Le Nen, incontournable dans la bibliothèque, au plus inclassable (en tout cas plus intimiste) "Engagé", écrit, avec la collaboration d'un civil, par Nicolas Barthe, un lieutenant du 21e RIMa, régiment qui a déjà eu les honneurs de l'édition il y a quelques jours.
La multiplications des ouvrages, à un rythme aussi soutenu, risque-t-il de tarir le genre ? Sans pour autant réussir, non plus, à intéresser les Français à l'Afghanistan : trop lointain, et surtout, pendant trop longtemps trop mal expliqué.Quand il était expliqué.Difficile, aujourd'hui, donc, de récupérer un tel passif, presque neuf ans de guerre à l'abri des regards -c'est une partie du drame, en France, de l'Afghanistan, l'autre étant évidemment celui des morts et des blessés- avec un livre, avec des livres, si intéressants soient-ils ? L'ouvrage du lieutenant permet à ses lecteurs de se faire un avis assez vite, car le livre, peu jargonneux, se lit d'une seule traite. Pas de révélations à attendre sur les opérations elles-mêmes : si la mort des trois membres de la TF Hermès est bien évoquée, le livre n'apporte aucun détail, se contentant de rendre hommage aux deux marsouins (le LTN Lorenzo Mezzasalma et le CCH Jean-Nicolas Panezyck) et au sapeur (SCH Laurent Mosic). Quant au tir fratricide du 23 août, il n'y est tout simplement pas fait allusion. Si ce n'est à travers l'évocation des blessures graves infligées au chef des snipers, opéré à huit reprises.
Quelques petites infos qui ont échappé au crayon rouge sont distillées, néanmoins, aux quatre coins du livre finalement impressionniste. On apprend ainsi que le CEMAT a manqué de peu de se faire avoiner au RPG, cet été, alors qu'il roulait en VBCI, tête dépassant par l'écoutille, entre Nijrab et Tagab. Et un Milan français tiré en appui a manqué d'assez peu la colonne de véhicules dans laquelle il roulait... (1)
En guise d'accueil, les ultramarins du régiment lui ont présenté un "haka", à Tagab, tandis que les lieutenants, bien connus pour leur "devoir d'impertinence", ont réservé une "perche" (p.168) à leur cinq-étoiles suprême.
On apprendra aussi pourquoi une zone d'orpaillage en Guyane s'appelle désormais "Emilie" (p.223) et pourquoi les Nambikwara restent une valeur sûre pour les étudiants de Sciences Po (p.113). Sans oublier le tarif, pour un vol de cartes téléphone : un vol bleu (p.46). Et, en forme de rappel, les non-initiés comprendront l'utilité de la double dotation (p.178), qui devait, rappelons-le, être généralisée.
Engagé, Grasset (parution 4 mai), 264 pages, 17 EUR. Les bénéfices du LTN Barthe seront reversés à l'association Terre-Fraternité.