Pour montrer plus que jamais qu'ils sont utiles aux Afghans, à quelques jours des élections, les Français sortent des FOB : c'est cet impératif -ce choix d'exposition diront certains- qui est responsable de l'augmentation des affrontements, et par conséquent, des pertes. Il faut se souvenir qu'après être sortis de Tora, les Italiens avaient connu leurs première pertes et avaient donc choisi d'éviter d'aller titiller l'insurgé dans ses bases, qui s'y est donc encore consolidé. On en a vu les résultats il y a un an. Une façon simple d'éviter les pertes à court terme est d'éviter de rencontrer l'ennemi, mais cela se paie toujours un jour.
Evidemment, de leur côté, les insurgés, eux, sont décidés à gagner eux aussi les coeurs, à leur façon. Ou à faire perdre aux gouvernements occidentaux ceux de leurs opinions publiques. En Grande-Bretagne, le pari se gagne jour après jour. En France... nul ne sait vraiment : le début du mois d'août est rarement le bon moment pour lancer un débat politique. Mais le PS semble semer les graines pour re-aboder le sujet à la rentrée.
L'assaut sur le central de Jegdalek
En ce mois d'août, les éléments s'accumulent pour rendre la tâche difficile aux Français, en Kapisa. Ils viennent d'y arriver, et donc achèvent de prendre leurs marques. Il s'agit d'effectuer des reconnaissances de bureaux de vote, et consolider, une dernière fois peut-être, l'image que les même Afghans ont de leur pouvoir central. Auquel ils sont indifférents dans le meilleur des cas (le plus généralisé), voire franchement hostile (1).
Une anecdote, qui n'est pas hors sujet : à l'automne 2008, les habitants de Jegdalek, plus au sud-est, avaient retrouvé de vieilles armes pour aller faire le coup de poing contre des insurgés qui s'en prenaient à leur poste de police, armé par leurs frères, leurs fils. Ce n'est pas de la propagande du gouvernement Karzaï, les habitants du village ne sont pas peu fiers de l'évoquer. Mais cette initiative heureuse démontre seulement qu'un Afghan est comme un Français : il se bat avec d'autant plus de motivation que le motif et l'issue du combat lui sont proches et perceptibles. C'est vrai pour un civil luttant contre l'insurgé, c'est encore plus vrai pour un insurgé qui se bat contre la coalition occidentale.
"L'armée talibane n'existe pas" affirmait au début du mois le général Georgelin, en redoutant par ailleurs un été difficile.
380 formateurs et mentors français
C'est vrai, il n'y pas d'armée talibane, mais on ne peut pas s'en féliciter. L'opposition, morcelée, ne se limite plus désormais aux talibans historiques -qu'en reste-t-il d'ailleurs-, aux bandes d'Hekmatyar, mais plus largement, à une frange difficile à évaluer de mécontents. Mécontents de l'absence de résultats dans les promesses du candidat Karzaï, des erreurs de tirs des occidentaux, de la morgue de certains d'entre eux -que j'ai pu moi-même vérifier-, d'être dérangés dans leur trafic... Il y a sans doute autant de raisons que d'insurgés. Et sans doute moins de "politiques" et d'authentiques terroristes qu'annoncé.
Donc cette galaxie d'intérêts plus ou moins cohérents est encore plus complexe à dénicher.
Avec quels moyens autochtones ? On trouvait 160 Français pour appuyer presque trois fois moins d'Afghans de l'ANA, ce samedi matin, en vallée de Ghayne. La constitution de l'ANA a pris beaucoup de retard : pas la faute à la France, elle est en tête de nations formant les troupes afghanes, à Kaboul (officiers et forces spéciales) et en première ligne (OMLT), avec 380 militaires affectés à cette seule mission, soit un Français sur sept basé en Afghanistan.
(1) le correspondant de l'AFP à Kaboul racontait dans une de ses dépêches de début de semaine qu'en accompagnant le 3e RIMa dans un village, il avait constaté que le matériel électoral n'y était pas annoncé. Les élections libres et sincères y seront donc difficiles : combien de villages sont-ils dans ce cas ?