Il y a un an tout juste, le 3e RIMa perdait son premier marsouin (1). Le rapport, diffusé dans les Wikileaks papers livre de nouvelles précisions, et quelques décalages entre la version développée à l'époque à Paris- sur l’accrochage qui mena à la mort d’un caporal de 22 ans, Anthony Bodin. Ce jour-là, les marsouins sont déployés avec des troupes afghanes, accompagnées de leurs mentors américains (les ETT). Les codifications employées dans le rapport ne permettent pas de tout saisir, mais le tableau général permet de comprendre que les forces de la coalition avait mùaille à partir avec un sérieux parti, ce jour-là . On apprend même que les Français ont échappé de peu à une embuscade en règle, qui aurait pu créer de gros dégâts dans la colonne des marsouins.
A 0345Z, Red Dog 6 rapporte que des éléments français reçoivent un feu d’armes légères de la colline 1886. Les marsouins répliquent et font mouvement vers la position insurgée. A 0401Z, 8 coups de mortiers de 120 mm sont tirés sur la position GPS de cette position. A 0403Z, la TF Korrigan demande un soutien CCA (hélicoptères d’appui)à la division américaine (2), signe que l'affaire ne s'engage pas très bien. A 0405Z, six coups de mortiers sont tirés à nouveau sur la même position insurgée (coordonnées identiques).
A 0410Z, ce sont cette fois dix coups de 120 mm qui partent, pour la troisième fois, vers la colline utilisée par les insurgés. En un quart d’heure, 24 coups de 120 mm…
A 0421Z, HCT-19 affirme qu’il y a quatre suicide bombers parmi les combattants adverses. Le renseignement est particulièrement précis puisque le même HCT-19 rapporte que les vestes portant l’explosif sont portées « sous les habits traditionnels ». Les kamikazes sont plutôt « en arrière » et ils ont « la peau sombre ».
A 0427Z, HCT-19 rapporte la présence de 6 kamikazes supplémentaires, tous « habillés en blanc ». « Ils déposent leurs armes pour approcher les troupes alliées ».
A 0430Z, 9 coups de mortiers de 120 mm partent pour la colline.
A 0441Z, la TF Korrigan annonce la mort d’un soldat français, et deux blessés, également français.
A 0446Z, Red Dog 6 annonce que les Forbans progressent pour aller récupérer leurs blessés. A 0445Z, Fast Draw 51, un hélicoptère OH-58D, est sur place. A 0457Z, les troupes françaises se retirent de la ligne de front.
A 0516Z, HCT-19 rapporte qu’une source affirme que quatre VAB sont à l’arrêt. Devant ces VAB, 10 à 20 combattants sont en train de monter une embuscade. « Ils attendent des renforts avant de faire mouvement mais ils attaqueront si les Français avancent » pronostique HCT-19.
A 0519Z, HCT-19 continue à livrer ses infos. Les suicides bombers se déplacent et quand les troupes de la coalition seront sur la route d'Afghanya –une vallée voisine-, « les suicides bombers attaqueront ». HCT-19 poursuit son décompte des talibans sur le pont : 20 à Zargran, 10 à Shekulu, 25 à Hasrak.
A 0532Z, les marsouins ont repris la route de Ghayne. A 0615Z, l’ANA repère 20 « talibans possibles » dans un wadi. A 0621Z, Fast Draw 54, toujours sur zone, rapporte qu’il ne voit rien de significatif.
A 0623Z, les deux blessés français sont rapatriés, par la route, vers Nijrab, où les attendent deux hélicoptères –deux Caracal, vraisemblablement-, qui ramèneront aussi le corps du marsouin tué.
A 0735Z, l’opération est terminée.
Voici ce que disait, l’an dernier, le communiqué de l’EMA, qui a vraisemblablement bénéficié du même rapport que celui que nous publions aujourd'hui :
"01/08/09 - Afghanistan : un militaire français tué et deux autres blessés en Kapisa
Samedi 1er août 2009 en Afghanistan, vers 8h00, heure locale, un militaire français a été tué et deux autres blessés lors d'un accrochage au cours d'une opération franco-afghane en province de Kapisa. Ils servent au 3ème régiment d'infanterie de marine de Vannes, déployé en Afghanistan depuis le mois de juin.
Environ 230 militaires, dont 160 français du GTIA Kapisa, 60 militaires afghans et une dizaine de militaires américains, conduisaient une opération dans le village de Ghayne Pain, en vallée de Ghayn près de Nijrab, lorsqu'ils ont été pris à parti par des insurgés. Un militaire français a été touché. Il est décédé des suites de ses blessures.
Le dispositif de la FIAS a immédiatement riposté. Les combat ont duré près d'une heure et demie et ont obligé les insurgés à quitter leurs positions.
Durant cet accrochage, deux autres militaires français été blessés et ont rapidement été évacués vers l'hôpital militaire français de Kaboul. Leurs jours ne sont pas en danger.
Il s'agit du 29ème militaire français décédé en Afghanistan depuis 2001."
Ce compte-rendu de l'EMA élude les 31 coups de 120 mm, en général un bon indicateur sur la rugosité de combats. De même, le CR de la TF Korrigan semble dégager des mouvements de troupes inverses à ceux décrits par Paris. Enfin, les blessés, si l'on en croit la chronologie livrée par le rapport, n'ont pas non plus bénéficié d'une évacuation "rapide" vers l'hôpital de Kaboul. Pas, en tout cas, selon la norme en vigueur en Afghanistan.
Au final, et sur cet exemple -qui n'a aucune raison d'être isolé-, on comprend pourquoi les soldats vivent de plus en plus mal la communication sur leurs opérations : en général, très éloignée de la réalité de ce qu'ils vivent.
(1) Le 3e RIMa a perdu au total cinq marsouins : le CPL Anthony Bodin, le 4 septembre, le CCH Johan Naguin, le 6 septembre, le SGT Thomas Rousselle, le 27 septembre, le CPL Kévin Lemoine et le 8 octobre, le SGC Johan Hivin-Gérard. Deux dragons du 13e RDP opérant avec la TF Korrigan ont par ailleurs péri le 27 septembre 2009 : l'ADC Yann Hertach, en tentant de sauver de la noyade le BCH Gabriel Poirier. Avec sept morts, ce fut le mandat le plus meurtrier en Kapisa, depuis l'arrivée des Français, en juillet 2008.
(2) Les Tigre viennent alors seulement d'arriver. Encore aujourd'hui, les OH-58D Kiowa -qui décollent de Bagram- ont un temps de trajet plus court pour couvrir la Kapisa. Sans compter qu'il n'y a, aujourd'hui encore, que trois Tigre en Afghanistan.