Gilbert Le Bris et Etienne Mourrut ont rendu un intéressant rapport d'information, sans la moindre concession, sur le dialogue social dans les armées. Tout militaire doit le lire, puisqu'il contient à la fois un état des lieux, avec des structures dont les militaires eux-mêmes n'ont peut-être pas conscience, et distribue quelques bons points quand même.
Les deux rapporteurs dressent un constat juste, et souvent accablant. "Les instances nationales sont jugées assez peu représentatives et, surtout, en manque cruel d’expertise pour pouvoir dialoguer efficacement avec le haut commandement. (...) Cette situation nuit grandement à la situation des militaires dans leur ensemble dans le sens où elle ne permet pas aux principales préoccupations d’être clairement exprimées et prises en compte par la hiérarchie. Cela conduit un certain nombre de militaires à se détourner du système et pourrait provoquer, à l’avenir, des formes de contestation plus radicales." Rien de dogmatique, donc, on nage même dans une certaine actualité, quand on voit les proportions prises par les multiples problèmes liées aux rémunérations, qui dépassent les seuls bugs autour de Louvois. Ces problèmes sont réguliers, mais n'avaient jamais, comme les réactions des personnels et de leurs conjoints, pris de telles proportions.
Le rapport loue les efforts des membres des instances de concertation (CFM) mais livre ce constat abrupt : depuis leur création (1990), les candidatures aux trois CFM d'armée ont été divisées par quatre (1) ! Et ce malgré la perspective de dossiers de fond à traiter, la "preuve d'un malaise profond" insistent les rapporteurs.
Entre autres soucis, ces membres, peu reconnus par les militaires sont l'objet de suspicions, si ce n'est plus : "il semble qu’il subsiste en fait chez certains chefs « de contact » une grande méfiance envers les instances de concertation, perçue comme une sorte de hiérarchie parallèle, qui permet à leurs membres de s’adresser directement à leur chef d’état-major ou au ministre."
Les jugements évoqués sont sans appel alors que se développe dans les armées un "souhait profond et général de voir la hiérarchie porter une attention plus forte aux problèmes de la communauté militaire", alors que se développe le "sentiment que la modernisation du ministère s’accompagne d’une technocratisation des chefs qui, préoccupés d’abord par les indicateurs de performance, semblent oublier peu à peu les réalités humaines". Même les députés de la commission évoquent donc un décalage entre le "management d'hommes", et la réalité qu'on peut trouver sur le terrain.
Notons que le rapport propose aussi quelques pistes d'évolution de la représentation, comme de valoriser les représentants de catégorie, qui sont, pour le coup, plutôt bien inscrits dans leurs unités, et reconnus pour leur travail d'écoute. Ces représentants pourraient ainsi contribuer à l'élection des représentants des CFM, le tirage au sort apparaissant, aux yeux des députés, une mauvaise démarche.