Redevenu très à la mode, le constat de lacunes en matière de drone, c'est comme Louvois : c'est la faute... à personne.
Pourtant, dans ce pays, c'est bien l'Etat, actionnaire de la plupart des sociétés qui auraient pu le fournir, ou en fournir les composants critiques, qui n'a donc pas joué son rôle, ni d'actionnaire, ni d'acheteur avisé. Au point qu'aujourd'hui, on est donc réduit à acheter aux Etats-Unis ce qu'on aurait très bien pu faire en France avec nos propres briques. Depuis le temps !
Mais on a choisi d'autres voies. On a choisi de saupoudrer de la R&D à droite et à gauche pour ne froisser personne. Au final, lorsqu'il a fallu acheter une tourelle optronique efficace pour nos forces spéciales et la marine, on n'a pas pu en trouver une en France : le best value for money était outre-Atlantique. On n'aurait pas eu, donc, de tourelle française sur un drone français.
On n'a pas su prendre une décision au niveau interarmées, là où on choisit quelle capacités on achète, et quel niveau budgétaire on lui consacre.
Difficile de mettre en cause l'armée de l'air elle-même : son avant-dernier chef était le meilleur connaisseur des drones dont on dispose en France. Et l'actuel a bien mesuré l'apport de ces engins, largement démontré en Libye, en Afghanistan et au Sahel. Mais il ne dispose que de quatre drones d'une technologie des années 90.
Allez, petit condensé historique. En 2001, quand est notifié le contrat du MALE intermédiaire (SIDM), on attend une livraison 23 mois plus tard de ce qui deviendra le Harfang. Alors, la DRM doit disposer d'un MALE définitif en 2009.
On le sait, cela n'arrivera pas avant 2020 au plus tôt, et cela signifierait d'investir des niveaux budgétaires que la France ne trouvera pas seule. Mais s'engager sur un programme wagnérien comme l'était le Talarion n'est pas non plus une solution.
Pourtant, le renseignement c'était le tête de gondole du livre blanc de 2008 : on le voit bien cinq ans plus tard, bien des promesses de ce livre n'ont pas été tenues. Camouflet des camouflets, la France a dû louer (à prix d'or), pour la première fois de son histoire, un moyen de renseignement multicapteurs au secteur privé au Mali.
Le renseignement figurait dans les priorités du candidat Hollande. Les drones figuraient dans les priorités de son ministre de la défense, au point que lors de sa première conférence de presse, il annonçait qu'en juillet 2012 (oui, 2012), une décision serait prise. 11 mois plus tard, aucune décision n'a encore été prise.