Daniel Reiner et Jacques Gautier ont contribué à porter la thématique défense au Sénat pendant neuf
ans. A l'heure de la dissolution de ce duo atypique, ce blog voulait leur donner une dernière fois la parole. Début avec Daniel Reiner, la partie gauche du tandem. A comparer avec les réponses de Jacques Gautier, qui suivent dans un autre post.
Que préconisez-vous pour sortir de la crise du MCO ?
L'analyse des dysfonctionnements est maintenant bien faite. Une cellule a été mise en place par la défense depuis 18 mois pour mener cette analyse. Mais Jacques (Gautier, NDLR) et moi trouvons que c'est trop lent. Le rapport Lamy, à l'assemblée, détermine 10 explications, il faut les prendre une par une et les traiter. Les délais d'attente de pièces de rechanges sont insupportables. Même s'il faut se rappeler qu'on n'a pas suffisamment acheté de lots de rechanges à une époque, sur le Tigre notamment, on avait deux fois plus d'appareils que de rechanges.
On a plus de 300 hélicoptères, on ne peut pas se satisfaire d'une situation où seulement un tiers est disponible !
Il faut clairement identifier un chef de file, une tête couronnée qui soit au-dessus du SIAe, de la SIMMAD.
Deuxième idée, il faut qu'Airbus fasse des efforts. On ne peut plus accepter des hélicoptères qui aient des points de faiblesse. Ni accepter l'argument que ces hélicoptères n'ont pas été conçus pour les théâtres où ils sont déployés aujourd'hui. Airbus Helicopters a un quasi-monopole avec la Défense, on attend un effort de qualité. Mais on a sans doute accepté, côté défense, des hélicoptères qui n'étaient pas au niveau. On se moquait un peu des Allemands quand ils avaient des problèmes de disponibilité, mais on n'est pas, nous-mêmes, très bons. Même s'il faut le reconnaître aussi, il y a eu du mieux pour les hélicoptères déployés en opérations.
Parmi les solutions, il faut donc mettre en oeuvre des contrats qui permettent de sortir de cette situation, et ne pas rester sur les anciens contrats.
Dossier connexe, pour vous le MCO ne doit pas conditionner l'achat d'un type unique d'appareil pour l'hélicoptère interarmées léger...
Non car un seul hélicoptère ne répond pas à l'ensemble des missions. Ce serait un mouton à cinq pattes. La Gazelle présente l'avantage d'avoir un coût de MCO cinq fois moins important que le Tigre, on aurait dû chercher à valoriser ce point, et à renforcer l'armement, l'autoprotection, ajouter une boule optronique. Mais on n'a pas vraiment été entendus sur ce projet qui aurait valorisé trente à cinquante Gazelle, notamment pour les forces spéciales. Le sujet n'intéresse pas trop la DGA, et encore moins l'industriel, alors que nous connaissons des fournisseurs qui auraient pu réaliser cette modernisation.
Précisément, pour les forces spéciales, pensez-vous que les efforts budgétaires ont été suffisants, vu le niveau d'engagement des unités du COS, et l'évolution du périmètre ?
Cette composante est exceptionnelle, et correspond très bien à ce dont la France a besoin en opérations. Il faut donc lui donner les moyens nécessaires. Avant, le COS avait du mal à s'équiper, et la DGA ne s'y intéressant pas vraiment. C'est ce qui a changé, deux ingénieurs de la DGA assurent au sein du COS ce suivi des programmes. Le COS et la DGA se sont bien rapprochés. Le PLFS qui va bientôt être livré est peut être moins lourd et moins cher que ce qui aurait pu être livré au COS, mais un véhicule beaucoup plus évolué aurait aussi pris plus de temps à être développé. Globalement, le COS est aujourd'hui beaucoup mieux intégré.
A l'heure du départ et de la fin de neuf ans de complicité, que retenez-vous de votre travail en tandem avec Jacques Gautier ?
Les parlementaires sont au carrefour des militaires, des industriels, de la DGA. On peut rapprocher les points de vues, pour obtenir le meilleur matériel pour nos militaires, c'est ce qui nous a guidé dans notre travail, Jacques et moi.
On a pu sortir le successeur du Milan, notamment avec l'appui de la STAT, et on a permis à MBDA de revenir dans le jeu. On a pu développer un MMP pour les fantassins, mais aussi une filière, puisque ce missile sera utilisable également sur le Tigre, et succèdera au Hot. Si on avait pas réussi à aboutir sur le MMP, MBDA aurait perdu 25% de son chiffres d'affaires. On a aussi réussi à aboutir sur le Reaper, sans quoi l'armée de l'air, aujourd'hui, n'aurait encore que ses Harfang. On a aussi travaillé sur d'autres domaines moins visibles, comme les roquettes guidées laser, qui arriveront bientôt. On a aussi remis l'ONERA dans le jeu, alors que l'office était un peu abandonné par tout le monde, car il ne faisait pas trop parler de lui...
Allez-vous réussir à déconnecter ?
Pas tout à fait fait, non, j'ai beaucoup d'amis chez les militaires, je suis colonel de la réserve citoyenne, et je ne vais pas quitter complètement le domaine.