C'est le mois d'août, un des plus propices pour faire lever les polémiques. Pas de chance, le ministère
sort déjà d'une polémique sur la démission du CEMA (qui a fini par surpasser celle de la coupe budgétaire, qui persiste, faut-il le rappeler) et sur Sentinelle, se retrouve sur un sujet plutôt mouvant.
Le candidat Macron aurait pu le savoir, à la lecture d'une note très détaillée et argumentée (même si plutôt partiale) sur le sujet, prônant le retrait de l'armée de terre des rues : c'est ce qu'on trouve dans la dernière livraison des Wikileaks. Pour l'instant, ni En Marche, ni le ou les auteur(s) de la note en question ne se sont prononcés sur sa véracité.
Pour ce qui est de Sentinelle, ce blog -qui n'a pas rédigé de note pour qui que ce soit, sauf pour toi, lecteur et lectrice-, les doutes se sont multipliés au fil des mois. Assez vite, une double certitude s'impose, par contre : Sentinelle met à genoux l'armée de terre et n'empêche pas les attentats. Une vérité qu'il n'était ni bon à dire ni à écrire avant que la religion ne change brusquement. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord.
Sentinelle est mis à genoux car les militaires n'y trouvent aucun intérêt, leur moral est entamé de plus en plus, et le soutien initial de la population fait place progressivement à l'indifférence, puisque les militaires sont inscrits dans le décor quotidien.
Leur progression militaire est aussi atteinte puisque le mode de fonctionnement de Sentinelle ne permet pas de se former sur leur matériel, et de progresser en grade. Progressivement, l'armée de terre a tenté d'enrayer ce problème. Les analyses divergent sur les résultats atteints.
Les militaires sont plus régulièrement hors de leurs foyers, pour une somme assez modeste, alors que les séjours ont augmenté en durée (deux mois pour ceux qui opèrent cet été). Le bilan familial de Sentinelle est donc relativement désastreux, dans un environnement déjà fragilisé par les dégâts de Sentinelle.
Pas de résultat forcément facile à apprécier sur la durée. On sait que des attaques ont pu être directement enrayées, comme au Louvre. Des parachutistes entravent une attaque, sans qu'on ait su à l'époque si le porteur du couteau voulait directement les frapper, ou créer la terreur chez les touristes.
Politiquement, on le sait, l'alternative à Sentinelle n'a pas été rapide à trouver et à prendre. C'est que le militaire est corvéable à merci, on peut le loger dans une cave, ce qui n'est pas possible (sauf pour une enquête...) dans la police. Pas de syndicats dans l'armée, c'est aussi pour cela bien pratique. Bref, mieux vaut faire peser l'effort sur une population disciplinée et muette, qui ne produit pas de tracts.
Sentinelle aura contribué à servir à modeler l'esprit présidentiel de François Hollande d'une remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre. Mais à peine deux ans plus tard, les doutes apparaissent déjà sur la capacité à recruter, former et équiper cette FOT renforcée à 77.000 hommes et femmes.
Autre problématique, propre à Sentinelle, une partie des militaires sont logés en enceintes militaires, une autre dans des lieux civils. Dans la première catégorie figurent des lieux sécurisés, certains beaucoup. D'autres, pas vraiment. Quant aux sites civils...
Certains de ces lieux de cantonnement sont connus des habitants du quartier, mais parfois passent involontairement à la postérité dans la com politique, comme le déplorait récemment un élu parisien, suite à une visite d'une ministre de la défense. Ou dans les reportages des média.
L'attaque du jour aura de fortes conséquences politiques, elle va sans aucun doute forcer l'exécutif à annoncer des réponses crédibles, avant que le chaudron de Sentinelle ne déborde. Dans cette nouvelle approche, il faudra sans doute réfléchir à la part que des entreprises de services et de sécurité -les ESSD- doivent prendre dans la situation de longue durée que connaît la France.
Des gardes armées ont été requis après l'attaque contre Charlie Hebdo, un parc d'attractions bénéficie lui aussi d'une protection armée, tout comme un site d'importance vitale, dans le sud de la France. Peut-on encore immobiliser des militaires professionnels -ils sont plusieurs dizaines de militaires rien que sur Levallois même- pour garder des lieux de culte -et pourquoi des lieux de culte, et pas d'autres types de sites encore plus menacés?- ou à garder les entrées des Invalides, de l'Ecole Militaire, du Balargone : la question est clairement posée, désormais. Ceci, alors même que des militaires à la retraite peuvent parfaitement se reconvertir dans un tel métier, au sein d'une ESSD.
Un sujet traité dans le dernier RAIDS, un débat à ouvrir (enfin).
Mes infops et photos sur le twitter @defense137.