Et si on coulait le Modern Express (1) ? Difficile à contrôler, le roulier de 164 m Modern Express
file vers la côte française, où il pourrait s'échouer, malgré les efforts conjugués de la marine française et d'une société d'assistance privée.
Le préfet maritime, l'amiral Emmanuel de Oliveira, doit livrer le fruit de ses réflexions, à la presse, cet après-midi. Sauf à laisser la nature faire le travail -il peut couler tout seul d'ici là-, sans action, le navire s'échouera à la côte en début de semaine, selon les dernières analyses. C'est, par ailleurs, un danger évident à la navigation, particulièrement de nuit.
Reste donc la (ou les) frappe(s) aérienne(s) si les opérations de sauvetage n'aboutissent pas. La planification d'une telle solution pourrait être très avancée, car rappelons-le, gouverner, c'est prévoir.
Comme s'il fallait préparer le terrain, un notam (document aéronautique destiné aux pilotes) a été émis pour faire éviter à la navigation aérienne la zone de dérive du roulier.
Le chargement annoncé par la préfecture maritime de Brest, jusqu'à maintenant en tout cas, évoque 3600 tonnes de bois et du carburant pour le fonctionnement du navire (type et volume non évoqués). Je n'ai pas d'éléments de réflexion sur la capacité du bois à rester dans un navire qui coulerait au fond, mais par contre, on connaît la capacité (garantie) d'un AM-39 Exocet à faire des trous dans la coque d'un navire. Des bombes guidées laser peuvent aussi amener à faire sombre le roulier mais c'est moins courant, donc moins garanti.
Pour autant, évidemment, qu'une décision soit prise en ce sens, trois types d'appareils pourraient être mobilisés pour ce genre de frappe, inédite à tout point de vue. En France, on n'a jamais utilisé une frappe militaire pour envoyer par le fond un navire-épave aussi jeune. Mais l'Exocet n'a jamais, non plus, été tiré par la marine dans un cadre opérationnel, contre un navire civil ou militaire.
Le Super-Etendard Modernisé est l'appareil le plus ancien en service capable de tirer un Exocet, mais aux dernières nouvelles, tout ce qui pouvait voler volait à bord du Charles-de-Gaulle, soit 8 appareils.
La marge de manoeuvre est plus importante pour le Rafale Marine, mais ce sont les pilotes qui manquent (eux aussi sont à bord du Charles) : deux pilotes de réserve (très expérimentés par contre) viennent de commencer leur période lundi à Landivisiau, c'est dire. Des Rafale Air peuvent aussi tirer l'Exocet, qualifié depuis le standard F3.
Reste l'ATL-2, qui lui non plus n'a jamais tiré d'Exocet, et qui peut, comme les précédents appareils, également tirer des GBU des 125 et 250 kg. Mais pas de 1000 kg, la mère de toutes les bombes françaises, qui reste le privilège du Rafale Air.
Dans ce rapide examen des vecteurs et du spectre munitionnaire, n'excluons pas a priori le canon de 100 mm du Primauguet (2), mais plus évidemment encore, le Scalp-EG, la munition du moment, actuellement en promotion, pour cause de rétrofit à venir du parc. Tout ce qui ne sera pas modernisé, soit plus de 350 missiles apparemment, peut être tiré (3).
Les temps étant ce qu'ils sont (durs), il faudra aussi présenter une facture à l'armateur, qui ne semblait déjà pas très pressé de s'occuper de son bateau lors des soucis initiaux (le 26 janvier). Alors des heures de vol de Lynx, Caïman Marine, Falcon 50M de la 24F (il a relocalisé l'épave le 27), des jours de mers d'une frégate ASM, si on on ajoute les Rafale et l'ATL-2, plus les munitions, ce sera une des opérations de sauvetage-coulage parmi les plus coûteuses de l'histoire navale...
(1) attention, ce n'est pas le 1er avril mais je ne garantis pas que quelques éléments de second degré (voire au-delà) ne figurent pas dans ce papier.
(2) pour autant qu'il soit parti avec un beau volume d'obus de 100 mm...
(3) si vous connaissez des C2 ou des navires à la dérive, n'hésitez pas à transmettre au CPCO, il reste stock à tirer.
Un Caïman Marine de la flottille 33F treuille des spécialistes sur la plateforme hélico de la frégate Primauguet. (Photos Préfecture maritime de l'Atlantique)
Impressionnante image d'un Lynx de la 34F (sans doute prise depuis le Primauguet) hélitreuillant des spécialistes à bord du roulier.
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Mes derniers livres : Le RAID, 30 ans d'opérations (Ed Pierre de
Taillac), L'armée au féminin, préface de Jean-Yves Le Drian (Ed Pierre
de Taillac) et Commandos du Ciel, préface du général André Lanata
(Editions JPO).