L'incroyable bilan opérationnel amassé par le Lydian britannique (cf post précédent) démontre combien la France, pourtant nation-pilote en matière de drones, est aujourd'hui à la ramasse (1). Rappelons que certaines semaines, seule une à deux missions de drones français (tous types confondus) sont effectuées en Afghanistan, si l'on en croit l'EMA. Il n'y a tout simplement pas assez de drones, au global, et pas forcément des drones assez modernes. Des opérations de rétrofit sont notamment urgentes pour les Harfang, drones intérimaires, dont la technologie est ancienne.
Certes, le bilan qualitatif de nos ailes en Afghanistan n'est pas ridicule. Et surtout, il est réalisé avec une équipe et une empreinte logistique particulièrement réduites, comme devrait le rappeler le patron de "l'Adour", jeudi, en présentant son travail, au point presse du ministère de la Défense. Seulement 21 aviateurs suffisent à mettre en oeuvre les deux drones Harfang basés à Bagram. Trois équipes se relaient pour assurer des missions dépassant désormais les vingt heures de vol. La variété de ses capteurs (vidéo, infrarouge et SAR/MTI) étant l'autre atout évident : un atout qui épargne des vies alliées, au quotidien.
Un SDTI ne vole que cinq heures trente, dans le meilleurs des cas, cas qui serait particulièrement rare, en Afghanistan. Le déploiement de l'armée de Terre mobilise pratiquement deux fois plus de personnels d'exploitation que chez les aviateurs, pour des performances par ailleurs moindres. L'armée de terre a rencontré une forte attrition liée au mode de récupération. L'évidence est là, ce vecteur ne s'avère pas totalement adapté à une collecte du renseignement et au soutien des opérations, ce que j'ai pu expliquer dans deux numéros de RAIDS consacrés aux opérations de renseignement en Afghanistan. L'armée de terre a souhaité pourtant consolider cette filière, et a racheté des SDTI d'occasion aux Canadiens, et trois drones neufs.
Les urgences sont là, la France étant aujourd'hui, dans ce schéma, incapable de servir un autre théâtre avec ses drones. Un comité ministériel d'investissement (CMI) doit théoriquement annoncer, en ce mois d'avril, les décisions qui permettront de lancer la relève du MALE, et, peut-être, les obligatoires solutions palliatives.
Ces retards d'équipement sont liés au... retard des programmes, à une incroyable sous-dotation budgétaire, et à un manque de vision évident. J'ai entendu au moins une fois l'ancien CEMA classer au registre des "modes" les drones, ceci expliquant peut-être le cela. Une partie de la communauté navigante ayant peut-être, pour sa part, redouté les conséquences de cette révolution schumpeterienne (2). Le manque de reconnaissance ne contribuant sans doute pas à l'afflux de volontaires (3) comme ce blog l'avait relaté en son temps.
Il faut espérer, cependant, et comme ce blog l'a déjà expliqué, que les filières humaines pourront être renforcées et valorisées, les limites -quantitatives et qualitatives- des vecteurs ne devant pas faire oublier les talents de ceux qui les servent.
(1) Pour pousser la réalité, l'US Air Force héberge désormais plus de pilotes de drones que de pilotes de F-16 expliquait il y a peu Air&Cosmos.
(2) économiste, théoricien de la création destructrice.
(3) les opérateurs de vol (OPV) des aéronefs pilotés à distance (APAD) Harfang ne voient pas leurs heures de vol classées comme missions de guerre, contrairement aux pilotes embarqués à bord d'aéronefs. Ce qui impacte évidemment, la reconnaissance (financière, décorations, etc) de leurs missions.