mercredi 18 décembre 2019

Le rapport du BEA-E sur le crash de Coca 27

On connaît, avec la publication du rapport du BEA-E, les causes du crash du Mirage 2000D n°667 du
Navarre, indicatif Coca 27, qui avait tué ses deux navigants, le 9 janvier 2019. Le crash s'était produit après 10 minutes de vol lors d'une simulation de passe de tir Scalp.
L'ESPAR (rengistreur de paramètres) a été retrouvé endommagé, la carte du calculateur moteur n'a pas été découverte. Quant à la cassette Hi-8 enregistrant la visu tête haute et les signaux sonores du cockpit, elle n'a pas été retrouvée. Un parachute, celui du pilote, a été retrouvé accroché à un arbre, mais aucun des membres d'équipage n'a eu le temps de s'éjecter, même si l'analyse de l'appareil a démontré que le pilote avait tenté l'éjection. L'avion s'est écrasé avant le déclenchement du cycle : il faut 170 millisecondes pour qu'un premier siège, celui de la NOSA, parte, avant celui du pilotes. Certaines pièces de l'appareil n'ont été récupérées que trois mois après le crash, à la fonte des neiges.
Selon certains éléments dans l'appareil (horizon de secours), l'appareil a heurté le sol avec une inclinaison à droite de 30° et une assiette à piquer de 10°. L'étude du site du crash semble suggérer, elle, une pente à piquer à de 30°.
L'étude du vol, reconstitué grâce à la DGA, montre une ressource réalisée en automatique à 6600 pieds à 10h27, loin du vol à très basse altitude pratiqué jusqu'alors. A 10h29mn32s, une deuxième ressource est effectuée, l'appareil culmine 12 secondes plus tard puis commence à piquer. Cinq secondes avant le crash, le pilote tente d'interrompre son piqué, sans succès.
Le BEA-E conclut que "l'équipage n'a pas stabilisé à l'altitude de sécurité et a poursuivi le vol en piquer vers le sol. Il a subi une désorientation spatiale due à une illusion sensorielle et une conscience erronée de la situation".
Le Bureau reconnaît aussi la complexité du vol en suivi de terrain en très basse altitude. "Le SDT en mode TBA est techniquement difficile et ce, encore davantage lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises. Les marges d'erreur sont quasi-nulles. Ces missions appellent un entraînement conséquent". Ce qui n'était pas le cas pour l'équipage, qui revenait d'opérations extérieures où ce type de missions n'est pas conduit sous cette forme. Le Bureau constate aussi un "déficit en entraînement organique depuis plusieurs années" du fait de la disponibilité faible des appareils, et d'un tempo opérationnel élevé. Mais aussi de la jeunesse de l'équipage.
En 2015, le pilote avait accumulé 139 heures d'Alpha Jet, 31 autres et 45 heures de Mirage 2000 en 2016, 122 heures de Mirage 2000D en 2017, et 148 autres autres en 2018, y ajoutant aussi 66 heures en opex au Sahel.
La NOSA a quant à elle systématiquement dépassé les 200 heures depuis 2015 : 197 sur Mirage 2000 en 2014 et 36 heures en opex, 129 heures en France et 95 en opex en 2016, 147 heures en France et 76 en opex en 2017, et 93 heures en France et 138 heures en opex en 2018. Soit 97 missions de guerre en trois détams.
Ces volumes permettent au BEA-E de conclure que "le volume d'heures de vol réalisé en mission d'entraînement organique par l'équipage est insuffisant et irrégulier pour permettre le maintien des compétences acquises et l'acquisition de nouvelles compétences sur des bases solides". Plus loin, il ajoute, "pour le personnel navigant peu expérimenté, le risque d'acquérir une conscience de la situation erronée lors de ce type de mission est alors élevé".
Au fil des années et de la multiplication des contraintes, le SDT ne fait plus l'objet que d'une dizaine de vols non thématiques, là où au début des années 2000, une cinquantaine d'heures de vol en SDT étaient réalisées en entraînement organique. Pour le Bureau, "la baisse de technicité des pilotes de la 3e EC, liée au manque d'entraînement, ne permet plus d'assurer le même niveau de sécurité en SDT que par le passé, notamment  aux hauteurs les plus basses du SDT et par les conditions météorologiques les plus défavorables". En outre, "les caractéristiques de cette mission, exigeante pour un vol de reprise, représentent une véritable difficulté pour cet équipage spécifiquement".

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