Alors que le rapport du BEA-E vient d'éclairer le crash d'un Mirage 2000D par un manque
d'entraînement, non limité à l'équipage, un autre rapport, du Sénat, cette fois-ci, pointe du doigt des réalités jusqu'alors peu mises en avant, au sein de la totalité de l'armée de l'air. "L’activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés, de près de 10 % écrivent les sénateurs Bockel et Prunaud dans un rapport édifiant qui évoque aussi le cas de la marine. "En 2018, seuls 80 % et des pilotes de chasse et d'hélicoptères, et 60 % des équipages de transport tactique ont pu réaliser la totalité des exercices ou des formations prévues par les référentiels d’entraînement".
Pour les parlementaires, la faute aux opex "qui ont sollicité les équipages les plus expérimentés."
Rien de rassurant, les élus expliquent que "le niveau d’activité des pilotes de chasse devrait stagner au moins jusqu’en 2021".
Pour les années 2016, 2017, 2018, 2019, les prévisions de 2020 et la norme retenue pour la LPM (qui n'est pas forcément ambitieuse comparée à certains standards...), le volume d'heures de vol pour les pilotes de chasse s'établit à 163 heures, 164, 161, 164, 164, 180. Pour les avions de transport, le volume atteint 220 heures, 219, 201, 219, 219, 320. C'est là que le déficit est le plus important : les équipages ne réalisent que 68% des heures prévues (62% en 2019...).
Or on le sait, le poser sur terrain sommaire, régulièrement pratiqué au Sahel, n'a rien de banal. Pour les hélicoptères, malgré de fortes disparités d'un parc à l'autre, les chiffres sont de 164 heures, 164, 166, 174, 174, 200. L'escadron 1/67 Pyrénées s'en sort légèrement mieux grâce au recours à un H225 civil, qui génère une disponibilité disproportionnée par rapport à un H225M (militaire). Ce qui pourrait interroger.
Moins entraînés, les personnels sont (comme tout humain) plus sensibles à commettre des erreurs (qui peuvent avoir une traduction en sécurité des vols), perdent en compétences, et peuvent, dans certains cas, perdre, ou ne pas atteindre leur niveau dans des missions complexes, ou l'entrée en premier par exemple.
Rappelons que le premier motif d'existence des armées n'est pas de mener des guerres asymétriques (comme c'est le cas au Sahel), mais aussi de protéger le territoire national contre une agression de haute intensité.
Sans pour autant que ce soit spécifique à l'armée de l'air (armée de terre et marine peuvent rencontrer de tels problèmes), l'entraînement organique sacrifié voit des pilotes et équipages partir en opérations avec des dérogations d'emploi, ou des limitations d'emploi (ils ne sont donc pas théoriquement utilisables sur toutes les missions). Certaines contextes particulièrement complexes, comme le poser poussière, ou le vol de nuit, notamment par nuit très sombre, ne sont pas forcément non plus suffisamment travaillé en entraînement organiques (1), or c'est précisément ce que les équipages rencontrent à Barkhane.
A contrario, et c'est manifestement ce qui est entré en compte pour le crash du Mirage 2000D, la concentration sur un type de conflit (de type asymétrique) peut négliger ou banaliser certains types de vols qui ne le sont pas du tout (comme le vol très basse altitude en suivi de terrain par mauvais temps).
Les sénateurs ont puisé dans leurs archives : "en 15 ans, la disponibilité des aéronefs a baissé de 10 points et est globalement inférieure à 50 % alors que les coûts de maintenance ont augmenté de près de 40 %. Au 31 août, la disponibilité de l' A400M s'établissait à 31 %, celle du Caiman Marine à 29 % et celle du Rafale Marine à 41 %.
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(1) des réalités responsables de plusieurs accidents d'hélicoptères dans les armées.