On peut maintenant comprendre pourquoi les chiffres de disponibilité des voilures tournantes sont
restées aussi longtemps sous le boisseau : ils sont mauvais.
Le député François Lamy, qui avait déjà annoncé pendant les débats budgétaires la publication de ces chiffres (annoncés comme mauvais) a tenu parole. Cuillère de bois, le Cougar, seulement 21% de dispo sur les 12 derniers mois, puis le Tigre, à 24%, le Caracal, 26%, le Puma, 30%, le Caïman, 35%, et la Gazelle tient le haut du panier, 46%.
Il faut 370 jours en moyenne pour une visite technique de Puma au lieu de 120, 383 pour un Tigre au lieu de 180. Parfois 540 jours pour un Cougar au lieu de 90.
Les chiffres n'ont jamais été aussi mauvais sur tous les parcs, et démontrent, pour ceux qui l'ignoraient encore, le niveau de détresse dans lequelle se situe aujourd'hui ceux qui conçoivent des opérations, mais aussi les soldats français eux-mêmes.
Imaginons que 21% des TGV soit en état de rouler : certains responsables auraient dû rendre des comptes. Pour un équipement aussi stratégique qu'un hélicoptère, ça passe.
Cet état de fait rend difficile tout état de surprise tactique, même, si par miracle, l'état-major réussi à trouver, dans des périodes bien précises de surge (comme actuellement) à donner du tonus, pendant quelques jours, quelques semaines.
Un patron de RHC explique l'impossibilité de nourrir un deuxième théâtre, sans dégarnir de 50% le premier (Serval-Sangaris en 2013, pour ceux qui ont de la mémoire)
Selon l'élu, seulement un tiers du parc du 4e RHFS, qui oeuvre pour le COS, est disponible. Le patron du 5e RHC n'a pu compter que sur 455,3 heures de vol sur les sept premiers mois de 2016, au lieu des 984 prévues.
Cette crise n'est pas subite : depuis 2003, les rapports parlementaires, mais aussi les articles de presse (y compris sur ce blog) ont multiplié les illustrations de cette lente dégradation, et les risques de sur-emplois à répétition en opérations.
Pour remettre l'outil sur pied, le CEMAT a proposé de sortir de flotte les Gazelle, peu protégées, mais on peut remarquer, par ailleurs, que cette flotte a la disponibilité la plus élevée (c'est la première flotte de Barkhane, d'ailleurs). A ce stade, il n'y a pas d'euros disponibles pour cette relève (par le HIL), et il y a des délais d'attente, de plus, le temps de la fabriquer.
Pour les autres flottes, il faut en effet s'interroger, mais pas que sur le fonctionnement du MCO, mais aussi en rentrant dans le dur de nombreux tabous. Où met-on le clivage entre les missions militaires et civiles ? Sept Puma sont par exemple utilisés au soutien du GIGN et du RAID -cette immobilisation permet de garantir que deux appareils seront en état de décoller- là où un appareil civil ferait l'affaire. La question est aussi posée pour le sauvetage en mer qui n'est pas une mission militaire dans tous les pays (une dizaine de machines en métropole, autant outremer). Les Britanniques l'ont réglé en externalisant ce service. Et pour l'instant, les usagers de la mer ne s'en plaignent pas.