Le ministre de la défense reçoit ce lundi à dîner la nouvelle ministre de la Défense allemande, Ursula Von
Der Leyen. Le climat entre les deux pays est sibérien, mais l'arrivée d'une nouvelle mindef à Berlin peut servir de prétexte pour repartir sur un autre pied (sans vouloir instrumentaliser à l'excès celle qui est présentée comme une fervente européenne).
Après la grosse fâcherie sur la dissolution du 110e RI et des répliques un peu sèches, Berlin cherche en effet à se rabibocher avec Paris. Peut-être sentant son propre isolement, mais constatant aussi, que de fait, la France reste la deuxième puissance militaire présente en Allemagne (loin derrière les Etats-Unis). Des Français sont présents sur ses frégates, dans tous ses états-majors et même dans un de ses Tornado (une femme !), ce qu'en France, on s'était bien gardé d'expliquer ces derniers mois (une sorte de Berlin bashing à l'envers sans doute).
Ce n’est donc pas dû au seul hasard -on peut même parler de fuite opportune-, on a ainsi appris cette semaine que 80 militaires de la BFA, Français et Allemands, vont être déployés au Mali pour une mission de formation de l’armée locale. La nouvelle a fuité d'Allemagne vers la presse locale. C’est la première fois que la BFA sera, dans cette configuration, engagée, et de surcroît, en Afrique. Mais on l’a bien compris, ce mandat reste un pur symbole, vu la nature de la mission et les très faibles effectifs engagés.
Pour convaincre, Berlin ne serait en outre pas non plus opposé à accueillir sur son sol l’OHQ de l’opération européenne qui doit être lancée en Centrafrique. Les ministres des affaires étrangères doivent d’ailleurs se pencher sur les offres des uns et des autres, ce lundi midi, à Bruxelles.
Le niveau de cette future opération européenne, relativement modeste (moins d’un millier de soldats, peut-être seulement la moitié) ne nécessite sans doute pas un OHQ, mais la complexité de la situation sur place, militaire et humanitaire, requiert sans doute plus de ressources que prévu. Et durera bien plus longtemps que ne l’espérait Paris, en se lançant dans l’aventure. Il faudra aussi sans doute, comme en Afghanistan et au Mali, se pencher sur la reconstitution d’une armée centrafricaine digne de ce nom, sauf à vouloir revenir intervenir tous les ans en Centrafrique.
Evidemment, là encore, on est dans le symbole, puisque cela permet aux Allemands d’éviter d'avoir beaucoup à investir –ils utiliseraient un de leur PC permanents, tout est donc déjà payé...- et de déployer des troupes en Centrafrique. Mais le symbole serait là, et on imagine qu’ils ont déjà la réplique pour ceux qui auront l’outrecuidance de leur dire que leur effort reste particulièrement mineur : ils expliqueront -et ils auront raison- que les Britanniques ont fait pareil avec Atalante, ne fournissant qu’un OHQ pour l’opération européenne de lutte contre la piraterie en Océan Indien (1).
En plus, livrer deux symboles à quelques jours d’intervalle, c’est au moins montrer que l’Allemagne s’auto-situe encore en Europe, et ne veut pas rester hors des questions de défense en Europe. Et c’est toujours plus que font, finalement, la Grèce, l’Italie… ou le Danemark.
(1) Mais ils ont fourni bien plus au Mali (avions-radar, C-17) et en Centrafrique (C-17). On l'a compris, ce n'est plus le mot France qui fait peur aux Britanniques, mais les mots "commandement" et "européen".