On l’oublie souvent, les premiers parachutistes à avoir mis les pieds sur le sol français, la veille du D-Day, furent français. La question de savoir si on les oublie, parce qu’ils étaient paras, ou parce qu’ils atterrirent en… Bretagne, un coin particulier de France comme chacun sait, n'étant pas encore définitivement tranchée. La raison étant sans doute que ces paras du special air service (SAS) avaient été formés à l'anglaise et étaient sous commandement anglais en juin 1944.
Dans un souci de perpétuation de leur mémoire, et à l'instar de la série commencée avec les 177 de Kieffer, vous découvrirez dans les jours à venir trois histoires que j'avais pu recueillir en 2004. Trois humbles, trois trajectoires d'exception.
Georges était arrivé le premier des trois, le 5 juin, avec 35 autres paras SAS (4e SAS, futur 2e RCP). En 2004, son histoire m’avait été contée par celle qui le connaît le mieux Marie-Claire, et pour cause, mais lisez plutôt :
« Les SAS ne sont prévenus que la veille du départ, le 4 juin. Et ils sont évidemment soulagés de partir. Ils ont vraiment été contents d'avoir été choisis par les Britanniques. Et de partir les premiers. »
« Pour qu'on ne les repère pas, leurs deux Stirling se sont mêlés à d'autres bombardiers qui devaient attaquer Saint-Nazaire, le soir du 5. Ils étaient 36 parachutistes en tout, divisés en deux « sticks », répartis de façon à ce que la mission soit effectuée, même si un des deux avions étaient abattu. »
« L'avion de Georges a d'abord largué un demi-stick sur le Morbihan, puis sur les Côtes du Nord. En fait, ils ont été parachutés par erreur sur la forêt de Duault (Côtes du Nord).
« En arrivant, il a coiffé un arbre avec son parachute. Ils avaient un sac ("kit bag") extrêmement lourd à porter, et très volumineux. Pour qu'il entre dans l'avion, on avait dû le pousser. Il était le seul à porter un poste radio complet, les autres avaient seulement des morceaux sur eux. Une fois que Georges s'est libéré de sa branche, il acreusé un trou avec sa pelle pour y camoufler le parachute, recouvrant le tout de feuilles. Avec sa boussole, il a cherché, de nuit, le point de rendez-vous car il était complètement isolé. Il a laissé passer un paysan avec sa charrette. Des chiens, allemands ou errants, sont venus rôder, mais il n'a pas été détecté.
« A l’aube, il a retrouvé son lieutenant, Botella, (NDLR, qui combattra à Dien-Bien Phu dix ans plus tard, comme l'autre radio, Bailly). Finalement, ils se sont tous installés dans la forêt de Duault (lieu dit Ty-Coz, NDLR) pour établir la base codée "Samwest". Ils ont rapidement reçu des parachutages dans une clairière dégagée : c'était essentiellement des armes, pour équiper les maquis. Ils n'avaient pas vraiment autre chose, alors qu'ils n'avaient été parachutés, au départ que pour huit jours. Au bout de 15 jours, ils trouvaient le temps très long, au bout de trois semaines, c'était horriblement long. N'oubliez pas que contrairement à la Normandie, ils étaient coupés de tout, avec pour seul lien la radio avec l'Angleterre. »
Autour du 20 juin, Marie-Claire et Georges se rencontreront pour la première fois, la jeune fille ayant proposé d’aider au codage et au décodage des messages radio…
On l'aura compris, le SAS et la résistante ont ensuite suivi le même chemin, une fois la guerre finie.
Notre photo : la couverture de la nouvelle édition du livre de David Portier, jeune auteur d'une incroyable histoire des SAS, en 2004. Sa version actualisée peut être commandée en souscription sur son site internet, d'une grande richesse également (http://lerot.org/FFLSAS). David Portier avait commencé son travail de recherche en retrouvant une photo en noir et blanc d'un para SAS et d'un résistant breton...