Ce n'est donc plus un scoop, Luc Vigneron va changer de bureau, quittant celui de Nexter à Satory pour le QG de Thales, à Levallois Perret (1). Son nom sera proposé le 19 mai à l'issue de l'AG de Thales : il dispose du soutien des actionnaires (Dassault, Alcatel) et de l'Etat français. Bref, comme on dit, la messe est dite.
Vigneron est un atypique : une légende tenace -qu'il ne cultive pas- veut qu'il soit à l'origine du nom de l'Aravis, initialement un des noms qui étaient sortis du chapeau pour rebaptiser l'ex-GIAT, finalement ce fut, on le sait, Nexter.
C'est, sans conteste, l'artisan du changement culturel qui a suivi.
Spirituel -c'est peu commun chez les grands patrons- et incollable sur son groupe -idem-, l'homme sait aussi être impitoyable dans les affaires. Un de ses partenaires français évoque un dirigeant "brillant et visionnaire", mais qui ne "sait pas partager" dans les programmes de coopération industrielle.
Annoncé un temps dans le buzz parisien pour prendre la DGA, Vigneron décroche les rênes d'un fleuron de l'industrie française. Que Denis Ranque, pur produit du groupe, avait réussi à transformer profondément, grâce à une stratégie multidomestique que beaucoup raillaient, à l'origine, avant de tenter de faire la même chose.
Seulement, Ranque se sera créé aussi de fortes inimitiés. En proposant, par exemple, son radar AESA au Gripen suédois, concurrent, par la force des choses du Rafale, même si les deux ne jouent pas dans la même catégorie. Au final, Thales a, il y a quelques semaines seulement, laissé tombé les Suédois. Mais l'épisode n'avait pas forcément été bien vécu, cela peut se comprendre, chez Dassault. La stratégie multidomestique avait satellisé le PDG de Thales, sa stratégie multiporteurs est peut-être à l'origine de son départ.
(1) situé, pour l'anecdote, à quelques mètres de la centrale du renseignement intérieur français.
Ajout du 15 mai, à 12h45 : Luc Vigneron n'ira pas à Levallois mais à... Neuilly. Une jeune lectrice, que je remercie chaleureusement, me signale qu'en effet, c'est dans cette ville qu'est installé le siège de Thales, la rue de Villiers faisant la frontière avec Levallois.