Trop courte... ou trop longue. La revue stratégique qui commence aujourd'hui ne durera pas assez
longtemps pour balayer une très large variété de sujets, si bien qu'on peut s'interroger sur son réel intérêt. Là où les services du ministère (seul concerné dans cet exercice, contrairement au livre blanc qui avait un caractère interministériel) comme l'EMA (et sa DRM) ou la DGRIS sont payés, au quotidien, pour avoir des réponses à priori éclairées sur le contexte stratégique dans laquelle oeuvre la défense française.
L'EMA a même des scénarios budgétaires qui peuvent être discutés sans qu'on y passe tout l'été à étudier la méchanceté des nord-Coréens, la duplicité des Iraniens. Par contre, on pourrait plus justement s'interroger sur le nombre d'hélicoptères disponibles si demain la France connaissait une catastrophe de type Fukushima ou des inondations importantes.
Installée aujourd'hui, la revue stratégique annoncée dès la campagne du candidat Emmanuel Macron passe en mode actif avec l'installation du comité rédacteur présidé par Arnaud Danjean, qui figurait parmi les possibles ministrables de la défense, si Alain Juppé avait passé le cap des primaires.
Le projet, ancien dans l'esprit du chef des armées, n'a pas été lancé immédiatement, pour des raisons qui n'apparaissent pas clairement. Du temps a donc déjà été perdu si on estime que le compte à rebours est particulièrement ténu pour enclencher ensuite la mécanique de la rédaction de la loi de programmation militaire. Le comité des sages installé aujourd'hui doit en effet conduire des auditions, et en sortir un document de travail en octobre.
Ce programme d'auditions n'est pas connu, et ces moments ne seront pas, vraisemblablement, publics, ce qui aurait pourtant été un bel exercice démocratique.
A commencer pour les premiers intéressés, les militaires. A vouloir trop balayer l'état de la menace en glissant sous le tapis l'état de la défense, on risque en fait de passer à côté du vrai sujet, qui reste les moyens à même de conduire des opérations (le reste est intéressant, mais ca ne sert pas vraiment à alimenter les opérations).
La vraie revue aurait en fait été un inventaire de l'état des forces et du matériel (il a été conduit pour les finances publiques, pourquoi ne pas le faire pour l'outil de défense ?), et de là, en décliner une loi de programmation militaire comblant les lacunes capacitaires que les lecteurs de ce blog connaissent bien. Les unes et l'autre ont été, ces dernières années, concernés par une forte attrition liée à un mille-feuille opérationnel, qui a pesé aussi sur le moral des militaires et leurs familles. L'occulter est une faute, le sous-estimer amène déjà à ne pas comprendre que cela pèse aussi sur la rétention et le recrutement.
Cette loi de programmation militaire doit aussi rénover en profondeur les modes d'acquisition des matériels pour les unités spécialisées, mais aussi conventionnelles. Cette acquisition doit bien être au service des opérations, plus globalement de l'outil de défense. Ce qui doit aussi amener à une rehiérarchisation dans les hauts sphères du ministère entre les directions et services.
Le président lui-même y a fait allusion lors de son passage au Sahel : il n'est plus possible d'attendre des évènements graves pour que les matériels nécessaires soient présents sur les théâtres. Sa rencontre avec les blessés, à Percy, y est peut-être pour quelque chose. A moins qu'il ne s'agisse de nouvelles attaques de drones de Daech.
Enfin, les attentes restent fortes, et il faudra y lire la réponse dans la loi de programmation militaire, sur les promesses passées sur l'attractivité des filières (notamment celles décidées lors d'un certain conseil de défense), en consolidant aussi un statut du vétéran qui n'existe pas vraiment, en France. Alors que tous les présidents et ministres se pressent, depuis des années, à Percy, le statut des blessés moraux et psychiques, mais aussi, plus largement, des combattants, reste à inscrire au coeur de la société française, et des employeurs publics et privés.
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