Après le camouflet de Cameron à Westminster, les temporisations d'Obama pour convaincre sur la
Colline, l'exécutif français risque-t-il gros lors de l'évocation du dossier syrien à l'Assemblée cette semaine ?
Depuis toujours, le député UMP Philippe Meunier avait adopté une position de refus d'intervention en Syrie, arguant notamment du fait qu'elle ouvrirait la voie à des désordres encore plus importants, et soutiendrait les groupes terroristes qu'on dit présents dans l'opposition syrienne. Samedi, il a remis le couvert, en basculant sur le terrain politique : le député du Rhône a demandé à l'exécutif de prendre ses responsabilités, et de n'engager la force qu'après un vote de l'Assemblée. Pour le secrétaire de la commission de la Défense, qui appartient à la frange dure de l'UMP, il n'y a donc qu'une voie : "Le Président de la République a le devoir de demander aux députés de la Nation de se
prononcer sur un éventuel engagement de nos forces armées compte tenu des
conséquences gravissimes de cette décision".
Bien des ténors de l'opposition de droite pourraient, de fait, abonder dans son sens. Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait. François Fillon, l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing ont déjà dit leur opposition à des frappes ciblées. A droite, on demande de suivre les résolutions de l'ONU, dont le conseil de sécurité est, on le sait, bloqué par les Chinois et les Russes (1). Jusqu'alors, la Syrie n'avait pas fait l'objet d'un début de discussion dans la classe politique française, assez unanime.
Il est évident que le dossier syrien tombe au plus mal pour l'exécutif français, embourbé dans une crise de confiance et dans une crise économique qui perdure. Les sondages ne sont pas bons non plus, faisant dire aux Français qu'ils sont largement opposés aux frappes en Syrie, avant même qu'elles aient commencées (ce qui est rare). La perspective de nouvelles dépenses, comme des hausses d'impôts, ne donne jamais bonne humeur au Français de retour de vacances.
Et puis, les coupes effectuées dans le système de défense depuis les trois derniers livres blancs, les désorganisations et les réductions de capacité qui ont suivi obligent, de fait, à bien mesurer l'aptitude de la France à tenir -éventuellement assez seule- des opérations dans la durée. Car des frappes ciblées amèneront à des réponses syriennes, y compris, sur les moyens navals et aériens mobilisés pour ces mêmes frappes. La France maintient encore 900 soldats au Liban, quelques dizaines d'autres dans un groupe médical en Jordanie, on voit mal comment une opération de rétorsion en Syrie n'entraînerait pas d'attaques des alliées de la Syrie sur ces militaires.
D'un strict point de vue constitutionnel, l'exécutif n'a pas besoin d'un vote du parlement pour engager des opérations militaires. La réactivité et la discrétion nécessaires à ces dernières, la précaution des rédacteurs de la constitution de 1958 (un costume constitutionnel taillé pour un exécutif tenu par un... ancien militaire, le général de Gaulle) font que le président de la République, chef des armées, n'a même pas besoin d'en discuter avec qui que ce soit avant plusieurs mois.
En tout cas, l'exécutif français n'a plus le choix : en Libye, au Mali, il a montré qu'il pouvait aller au bout de ses positions diplomatiques - dans une certaine mesure, constituer une alternative aux Etats-Unis-. Un crédit patiemment amassé, et qui, auprès de certains pays du Golfe, peut être capitalisé. Ou pas.
(1) La France ne s'est néanmoins pas encombrée à attendre l'ONU -et heureusement parfois- pour intervenir au Mali en 2013. Ou pendant trente années de Françafrique. Le seul contre-exemple récent est la Libye, où la résolution rapide de l'ONU était restée compatible avec les intentions franco-britanniques d'intervenir à Benghazi.
Post scriptum : un fin observateur du monde arabe me fait remarquer que les presses du proche-orient signalent depuis plusieurs jours des désertions massives d'officiers supérieurs syriens. Une autre façon de lire le titre de ce post...