C'est souvent oublié, mais dans la fonction publique, tout ou presque commence par une fiche de
poste. Celle qui appelle les candidatures de porte-parole pour le ministère des armées (un dimanche 1er novembre...) le rappelle sobrement, la fonction publique a tout prévu, dans les articles 3 à 9 du décret n°2019-1594 du 31 décembre 2019 et l'arrêté du 6 février 2020.Et donc, même s'il y avait urgence pour le minarm à trouver très vite porte-parole, il faut passer sous les fourches caudines des règles administratives, et notamment, à celles qui prévoient une égalité des chances entre les hommes et les femmes, chères à la ministre.
L'annonce étant parue ce matin, 1er novembre, il ne reste donc plus que 15 jours à ceux (celles) qui n'étaient pas encore au courant de la vacance du poste.
Ces précautions administratives ne sont pas superfétatoires : celui ou celle qui aura traversé le processus de sélection, dont la date finale n'est pas annoncée, gagnera quand même une part fixe comprise entre 90 781 et 118 725 EUR (selon expérience) et un "complément indemnitaire sera également versé sous réserve de la manière de servir au cours de l'année N-1 et des résultats de l'exercice ministériel d'harmonisation". Peut-être, par exemple, sur les résultats d'indicateurs aussi probants que le nombre de followers des réseaux sociaux, ou de sondages commandés par le service placé sous l'autorité de l'intéressé(e) et qui invariablement n'annoncent que des bonnes nouvelles.
Néanmoins, on le voit, la rémunération est élevée, au-delà des standards de certaines sociétés privées (mais le porte-parole est aussi souvent dircom, ce qui n'est pas le cas ici), mais pas forcément au minarm, où c'est le service, on le sait, qui prime souvent la rémunération.
Au passage, les plus hauts potentiels pourront se dire que finalement, la com, ça paie. Et c'est vrai : la petite annonce explique qu'il faut être agile avec l'échelon politique ("aptitude à dialoguer avec l'échelon politique"). Mais assez étrangement, la liste des qualités requises ne demande pas forcément d'avoir tenu des postes dans le domaine de la communication (ce qui n'est pas toujours une garantie, d'ailleurs) et les références sont ailleurs. Pourtant, les précédents DICOD qui ont été reconnus pour leurs talents dans ce domaine avaient, précisément, des précédents dans le domaine.
Voici la liste des "qualités professionnelles souhaitées", listées sans autre forme de hiérarchie. "Qualité d'expression et pédagogie, qualités relationnelles pour dialoguer avec une grande variété d'interlocuteurs, aptitude à dialoguer avec l'échelon politique, grande capacité de synthèse". Ce portrait-robot ouvre plutôt les profils, et le minarm risque donc de se voir envoyer un assez grand nombre de candidatures.
Heureusement, il reste la suite. L'annonce complète sur le niveau de son porte-parole : "l'exercice d'au mois six années professionnelles diversifiées en tant que cadre supérieur ainsi qu'une expérience significative d'encadrement sont requises. Une connaissance approfondie du ministère des armées, de son organisation et de son fonctionnement est recherchée". Il faut donc quand même, c'est rassurant, posséder cette connaissance intime, ce qui, par contre, élaguera très vite la liste des postulants. Les endroits pour obtenir cette connaissance sont, en effet, forts rares.
Le titulaire sera nommé pour trois ans, affirme l'annonce, et sera renouvelable, mais "dans la limite de six ans". On ignore les raisons de cette limite. L'annonce n'interdit pas à d'anciens DICOD de postuler, ne pose pas de limites d'âge, et même, n'empêche pas un militaire de tenter le coup.
Donnée importante, le collège des recruteurs, pour la partie orale, comprendra la SGA, la directrice de la DICOD, et et un inspecteur civil de la défense, plus une éventuelle quatrième personne choisie par la SGA.
Dernier détail, la personne à contacter pour des détails sur ce poste est l'actuelle DICOD.
A ce stade, en ce dimanche matin, il est bien difficile de mesurer l'impact de ce choix en forme de scission, par delà l'annonce. Car en fait, ce sont les statuts de 1997 de la DICOD qui sont remis en cause : le ou la DICOD étaient porte-parole (avec pour grade l'équivalent d'un général de division), son adjoint un général de brigade (ou assimilés) avec un binôme civil militaire. A l'époque, on avait le souci du bon usage des francs.
On le voit, la rémunération annuelle du porte-parole (qui ne dépend plus de la DICOD, mais au mieux, est posé à côté, voire au-dessus) ajoute donc un sur-coût dans la machine. Alors que la ministre tente manifestement de réduire la surface budgétaire couverte par la com (1300 personnes quand même).
Même en supprimant un poste de direction à la DICOD (le plus cher), pas sûr que le budget de la défense y gagne. Mais, et les auditeurs du député Claude de Ganay (LR) dans l'hémicycle vendredi soir, comme les lecteurs de son rapport parlementaire consacré à la com de défense l'auront compris, le système, bloqué, devait évoluer. Bastien Lachaud (LFI) a même demandé un rapport pour y comprendre quelque chose, avec plus de temps et de moyens que Claude de Ganay n'en a eu. Ce dernier a d'ailleurs apporté son soutien au porteur de l'idée, qui n'est pas tout à fait dans le même champ politique que lui. L'idée doit être débattue au sein de la commission de la défense, lors de sa prochaine réunion. Difficile de passer outre : le mot DICOD a été prononcé une dizaine de fois dans l'hémicycle et à la commission en quelques heures, il y a donc manifestement un sujet, qui ne peut être réduit néanmoins à ce seul service.
La ministre elle-même avait annoncé du changement, en juin dernier, en recevant des journalistes, suite à la lettre de l'AJD. Pas sûr que cette évolution vers un porte-parole en découle, alors que c'est plutôt la conséquence d'évolution commencées bien plus tôt, ailleurs, dans le gouvernement dans son entier.
Le ministère de l'intérieur, souvent décrié à la défense, est par exemple très en avance dans ce domaine, avec une porte-parole visible et audible dans les médias, et accessible aux mêmes médias. Commissaire de police, Camille Chèze n'aurait eu, par contre, aucune chance d'arriver au sommet avec les critères mis en place au ministère des armées pour sélectionner son porte-parole.
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