Il y a quinze jours, Paris déclenchait l'opération Apagan en plein coeur du weekend du 15 août. Dans un environnement (le même pour tous les protagonistes) des plus défavorables, avec un point de sortie unique (Kaboul), dans une zone très enclavée, sans terrain de déroutement dans le pays, sans pays allié à proximité. Et avec un risque d'attentats et de tirs sur les aéronefs, à l'atterrissage ou au décollage.
La réactivité du système a néanmoins permis d'évacuer 2830 civils en 13 jours (soit une moyenne quotidienne de 218), sans pertes, et avec une empreinte logistique réduite.
Avec le caractère relativement atypique de plusieurs points de l'opération (lire par ailleurs), l'EMA a appliqué le canevas des RESEVAC (évacuations de ressortissants), qui étaient presque un standard dans les années 90 et 2000, mais plus rares ces dernières années.
Les forces s'y entraînent régulièrement, particulièrement les forces prépositionnées, c'est même une de leur raison d'être. Dans ce cas de figure, la proximité relative (plus de trois heures de vol) d'une base interarmées, même taillée au plus juste (particulièrement la base aérienne 104) aux Emirats Arabes Unis a permis à la fois de réagir rapidement, tout en soulageant la pression sur le pont aérien. Une distance plus importante aurait en effet encore réduit la charge utile des avions de transport (puisqu'il était impossible d'avitailler sur place), tous quadrimoteurs, et tous autoprotégés. La BA104 offrant gîte et couvert, et une capacité supplémentaire de filtrage, après celle de Kaboul.
Cette base interarmées a aussi mobilisé au coup de sifflet son état-major et près d'un tiers du 5e Cuirs, salué ce weekend par un tweet de Florence Parly dans les unités qui ont contribué à Apagan. A priori la première contribution du régiment aux opérations depuis sa recréation en 2016 (1), la base navale contribuant elle notamment à Agénor et, la BA104, notamment à Chammal.
On devrait en savoir plus demain sur les contributions des FFEAU à Apagan, lors d'un point presse avec l'amiral Jacques Fayard, qui les commande.
Plus classiquement, Apagan a aussi fait appel aux unités spéciales. L'ambassadeur de France en personne a publiquement (dans un tweet) remercié les éléments du CPA10 déployés sur place. L'escadron de transport 3/61 Poitou, également issu de la brigade des forces spéciales air, a aussi été actif et confirme sa capacité sur Atlas.
Ce dernier a montré sa capacité d'emport et son adaptabilité, en réalisant à des multiples reprises des évacuations dépassant et de très loin les normes habituelles d'exploitation. Ce qui signe aussi la parfaite connaissance de l'appareil par ses équipages (notamment le commandant de bord qui décide avec son loadmaster de la marge de manoeuvre disponible) et la fiabilité de l'appareil, mis en oeuvre par les escadrons Touraine et Béarn (récemment recrée). Avec un quadrimoteur, les surprises sont rares (même si elles existent).
La présence d'une équipe de sécurité expérimentée autour de l'ambassadeur, armée par la police (et principalement le RAID) a aussi constitué un plus comme on a pu l'expliquer lors de précédents posts. Premiers arrivés, le RAID, les forces spéciales et l'Atlas ont été les derniers à partir du théâtre pour être accueillis ce weekend à Villacoublay par le Premier ministre en personne, la minarm et le CEMA. Moins de 15 jours après le début d'Apagan.
(1) Venant en novembre 2019 y effectuer sa première visite à l'étranger comme CEMAT, le général Thierry Burkhard y déclarait : "dans cette zone sensible, vous êtes à la fois aux avant-postes et acteurs d’une forte coopération bilatérale. Vous devez être prêts à vous engager au combat tout en contribuant à la préparation de l’armée de terre à des affrontements plus durs !"