Pas toujours prompts à reconnaître les mérites des militaires français et des Français tout court, les
Américains sont en train de redécouvrir l'existence d'une armée française, et à la remercier (1). C'est ce qui est lisible à travers quelques tweets ici ou là, mais aussi dans la bouche des militaires et politiques américains qui ont apprécié que des Mirage et des hélicoptères français, peut-être aussi quelques commandos de passage (mais pas ceux que je croyais, lire la fin du papier) dans le coin, viennent assister leurs commandos pris en embuscade, il y a quelques jours. Quatre ont laissé leur vie dans l'affaire, mais aujourd'hui, le constat est unanime, sans les Français, l'addition aurait été bien pire.
Si bien des coins d'ombres subsistent -Washington a même mobilisé le FBI, c'est dire-, rien à redire des Français, presque gênés aux entournures de l'hommage, alors que certains articles de presse, à l'origine, laissaient même transparaître des étonnements -prêtés à des Français- de ne pas avoir été informés de la mission américaine.
Il est rare que les forces spéciales en disent beaucoup sur ce qu'elles font, et c'est vrai aussi bien aux Etats-Unis qu'en France. Placées dans une situation inverse, il est vraisembable que les Français auraient été aussi discrets sur leurs déplacements.
Du côté de l'EMA, on ne nourrit pas la polémique, mais on se prête volontiers à détailler une chronologie, sans détours. Barkhane a été alertée d'une attaque à 1132Z, plaçant en alerte ses chasseurs dans la minute suivante. A 1220Z, la patrouille formée d'un Mirage 2000D et d'un Mirage 2000C effectuait son premier show of force.
Belle réactivité qui évoque sans doute un briefing minimal, peut-être en vol, et une belle perf des pistards pour libérer les avions.
Le show of force a permis aux nigero-américains de souffler un peu, mais sans permettre de frappe aérienne. L'EMA reconnaît, détail important, que le CEMGA nigérien avait "autorisé" une ouverture du feu (canons du 2000C ou bombes des deux Mirage 2000), mais qu'il n'y avait pas de tir possible, car les différents éléments n'étaient pas localisés.
Théoriquement, c'est le travail d'un JTAC que de guider la chasse. Y en avait-il dans la colonne ? Avait-il les éléments ? En tout état de cause, l'arrivée des Français a permis d'évacuer les morts et les blessés. Deux patrouilles d'hélicoptères Tigre/HM ont pu assurer leur oeuvre, là non plus sans ouvrir le feu, une autre prestation appréciée des Américains, adeptes du "on ne laisse personne derrière nous". Même si on sait qu'un Américain sera quand même resté deux jours sur place, et sera retrouvé mort (mais c'est une autre histoire).
Sans casser évidemment cette embellie francophile, une question perdure : la colonne s'étant mis en tête de chasser un djihadiste bien placé dans la killing list américaine, pourquoi ne pas avoir chuchoté à l'oreille des Français une demande d'appui préalable, ou au moins en conduite. Un simple échange qui aurait, peut-être, changé le cours des choses.
Allez, merci Barkhane et merci Spartan (et non Sabre), ce qui est facile à prononcer pour des Américains qui utilisent aussi ce code. En l'espèce, une fois n'est pas coutume, il s'agit des commandos montagne, déjà au rendez-vous lors de précédentes opérations en BSS.
Mes infops et photos sur le twitter @defense137.
(1) en recevant la ministre de la défense le weekend dernier, son homologue américain l'a remerciée pour sa lettre de condoléances, transmise après la mort des quatre militaires.