Systématiquement préservés des micros par l'armée, les blessés français revenant d'Afghanistan avaient la parole, ce matin dans La Croix. Une parole étonnamment libre et juste. C'est Solenn De Royer, qui écrit d'habitude sur l'Elysée et la droite française, qui a recueilli les témoignages de trois de ces blessés, qui étaient, par ailleurs, présents à la garden party du ministère de la défense, le 13 juillet dernier, où Hervé Morin les avaient invités. Dans les trois cas, derrière la douleur physique perce l'incompréhension, particulièrement du désintéressement du pays - et de ses médias- pour l'engagement militaire français là-bas. Ou pour le sort des blessés (1).
Il y a Sébastien, le médecin du 126e RI qui avait sauté sur un IED, en vallée de Tangi, dont nous vous parlions, sur ce blog, le 13 juillet. Quatre mois d'hôpital et toujours des béquilles. Et l'incompréhension. "Ma famille a été étonnée qu'aucun média ne relate les faits" constate-t-il (2). Franck, le démineur de 47 ans du 2e REG avait 17 opex, et c'était son troisième séjour en Afghanistan. Il est blessé, le 6 janvier dernier par l'explosion d'une chicom qu'il manipule. Après une vingtaine d'opérations, il se raccroche à la possibilité de former les recrues.
Stéphane, 33 ans, était auxan au 35e RAP. Il a sauvé, s'est sauvé -la vie-, ce 27 septembre, quand l'action des talibans coûte 19 blessés -la moitié de l'effectif de sa colonne.
Son interrogation, symptomatique, est celle de bien des soldats d'aujourd'hui, qui comprennent
de moins en moins les réactions de la société dans laquelle ils vivent, pourtant, et pour laquelle ils ont choisi de servir.
Le 18 juin, un 44e soldat, Steeve Cocol, du 1er RHP, est mort, et sa mort a été noyée par les tribulations d'autres Français, eux aussi porteur d'un drapeau, sur leur maillot de football. "Ce jour-là, des hommes n'avaient pas respecté le drapeau, et on parlait d'eux 24 heures sur 24, tandis que d'autres, tombés au même moment pour ce drapeau, étaient superbement ignorés. Où sont ces valeurs dont nous parle sans cesse le président de la République ?"
(1) l'armée préservant les blessés des médias, il est difficile, cependant, d'évoquer leur condition. Cet article de La Croix étant, pour le coup, une vraie première à ma connaissance.
(2) ce blog les a relatés et développés ici, le 24 juillet :
http://lemamouth.blogspot.com/2009/07/un-medecin-francais-dans-un-etat.html
http://lemamouth.blogspot.com/2009/07/les-blesses-du-wardak-vont-mieux.html