mardi 22 février 2022

"J'ai peur que ce que nous avons fait au Mali en 9 ans disparaisse vite, en 6 mois"

Patricia Mirallès, députée, est membre de la commission de la défense. Elle sort avec Jean-Louis

Thiériot un rapport sur la haute intensité. Elle était aujourd'hui à Bruxelles à l'assemblée de l'OTAN.

Quel est votre ressenti sur la détérioration rapide en Ukraine ? L'UE et l'OTAN jouent-ils ensemble ?

Les 30 pays de l'Alliance sont déterminés à travailler ensemble...

Y compris l'Allemagne ? On ne la sent pas très impliquée...

Y compris l’Allemagne. J’ai vu ce qu’a vu dit notre Président, sur nos objectifs. A court terme, nous devons dissuader Poutine d’aller plus loin. L'objectif à long terme vise à continuer à  maintenir le dialogue ferme et robuste, car la Russie ne va pas disparaître demain. Nous devons conserver un axe, un lien de dialogue. Tout le monde, Allemagne comprise, on est tous, OTAN et UE, dans le même bateau. Nous devons continuer à dissuader. Il faut être crédible, il nous faut une défense collective, des  investissements collectifs. Pour l'instant, l'UE va prendre des sanctions économiques. Le conseil de sécurité décide avec la France de prendre des sanction ciblées, c’est ce qu’il fallait faire. Nous devons, comme le dit notre CEMA, éviter la guerre avant la guerre.

Le dirigeant russe a montré en peu de temps combien il pouvait être fourbe et double...

On ne peut pas reprocher à l’OTAN, l’UE ou notre Président de ne pas tenter le tout pour le tout. On ne mesure pas tout. Poutine décide, à nous de faire au mieux pour dissuader. Ses actions d'hier ne nous ont pas réjoui. Il continue à avancer certains pions. Comme sur un jeu d'échecs, il faut savoir avancer les bons pions, mener les discussions et continuer le dialogue. Notre position a été dit et redite. Il faut rester unis dans ce moment particulier.

Redoutez-vous que le départ du Mali se fasse dans de mauvais conditions ?

Je connais Barkhane, j’y suis allé. On a aussi perdu un petit Montpelliérain que je connaissais. C'est douloureux d’en parler pour moi. On a fait ce qu’il fallait. Si on n'y était pas allé en 2013, quelle serait la situation aujourd'hui ? Pour moi, les soldats ont rempli leur mission. 

Mais nous n'avons pas réussi à avoir cette confiance de la population. Nous allons partir, c'est une seconde mort pour nos soldats je trouve. C’est dur, comme en Afghanistan. J'ai peur que ce que nous avons réussi à faire pendant 9 ans au Mali disparaisse vite en 6 mois. C'est malheureusement très triste pour cette population malienne. 

On a raté les combats dans les champs immatériels?

Quand vous n’avez pas les tenants et les aboutissants par les infos, vous êtres manipulé. Afghanistan et Mali figurent parmi les pays les plus pauvres du monde. En 2018, on disait que le Mali était le cancer de l’Afrique, cela n'a fait qu’augmenter. 

Que retenez-vous de votre rapport sur la haute intensité ?

Il est aujourd’hui plus que jamais d'actualité. Nous devons être à la hauteur. Nous devons faire comprendre aux Français l’intérêt majeur d’investir dans nos forces armées ,de montrer que, oui, parfois, il est difficile d’entendre des soldats s'entraîner, avec le bruit des hélicoptères, mais qu'il faut s'entraîner.

Dans les 50 auditions, nous avons parlé de matériel. Demain, quelle sera la prochain LPM, quels programmes conserverons-nous ou ajouterons-nous ? Il faut que les Français comprennent ce qu’est un conflit de haute intensité, qui est aujourd'hui à nos portes. Le combat contre le terrorisme doit aussi être continué. On ne peut pas le continuer avec des vieux blindés. 

La LPM a pourtant bénéficié de moyens hors du commun. Et pourtant, il reste de vieux blindés... Il aurait fallu encore plus de moyens ?

Des choses ont changé dans la vie des soldats, grâce, notamment, au plan familles. La vie change, on n'avait pas voulu voir que la vie de ces soldats changeait. Le plan familles a permis de le prendre en compte. Par contre, je pense qu'il faut aller plus loin avec nos blessés sur le PTSD. 

Tout le monde nous a dit aussi, "vous avez tenu, malgré le covid". La minarm, le Président de la République n'ont pas réduit le budget, malgré le contexte de crise sanitaire. Est-ce que cela suffit ? Il faut tenir, dans mon rapport, je dis qu'il est important de tenir la marche. 

En évoquant les blessés plus haut, à quoi pensiez-vous ?

J'ai des tas d’idées sur les blessés. Même si les élections législatives sont encore loin, je pense me représenter, et même si je n'étais pas réélue, j’ai quelque chose à faire pour eux, et je le ferai. J'en ai longuement parlé avec le CEMA quand il était CEMAT. Les maisons Athos sont un début, il faut aller plus loin. J'ai lu le livre de Nicolas Zeller qui m'a beaucoup touché et inspiré dans ce domaine. Certains soldats qui rentrent d'opex après six mois passent par le sas, d'autres pas. Nous avons beaucoup des choses à faire encore.

Recueilli ce 22 février.

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