vendredi 28 janvier 2022

Pourquoi il faut interarmiser la com de défense (et pas la politiser encore plus)

Parce que c'est une capacité de combat au même titre qu'un chasseur ou qu'un HK416, parce que les

éternelles guerres de clocher font beaucoup de mal, et parce que la situation sur ce front-là est grave, et bientôt désespérée, la communication militaire doit être placée sous la coupe de l'EMA. Qui décide de l'emploi des armes en opérations.

Autant je crois que l'EMA n'a rien à faire de la gestion des BDD (qui devrait revenir à un SGA qui fonctionne, récupérant aussi les restes de la DGA pour former une grande direction de la gestion et du soutien), autant l'EMA devrait avoir à faire avec la communication.

La com organique est, de fait, peu utile à l'ensemble, en opérations, sauf à alimenter les MACO. Depuis les années 90 et l'interarmisation croissante, l'EMA a pris beaucoup d'espace, y compris, celle, légitime, sur la communication opérationnelle, la communication au service des opérations. Imparfaite, bridée par le niveau politique, manquant de moyens, elle a connu des progrès depuis cet été. L'actuel CEMA est lui-même un ancien communicant.

C'est une capacité à large spectre, pourtant, elle dispose, comme bien d'autres dans le système défense, de peu de munitions.

Au début du covid-19, le précédent conscom de l'EMA s'est retrouvé en mal de combattants, le covid19 ayant bon dos. L'EMA COM dispose de 24 postes, dont quatre de brevetés (sont-ils essentiels pour autant ?). Par contre, et malgré plusieurs coups de clairons, il n'avait pas pu mobiliser grand monde. Et encore moins dans la chaîne de services interarmées dont il a le contrôle plus ou moins direct : celle dans laquelle on trouve plusieurs dizaines d'offcom du SID, du SCA, du SID, du SSA, du SIMu, du CNSD, du COS, de la DRM, etc. Des organismes qui ne communiquent pas forcément au-delà de quelques productions de com interne, parfois. Bref, des postes budgétaires pas tous forcément actifs au sein des opérations.

Par delà une réflexion sur l'opportunité de les pérenniser, en tout cas dans ces endroits, se pose aussi la question des effectifs nécessaires. Réellement. Le COS n'a qu'un communicant. En faudrait-il donc deux ? Ou aucun, vu qu'il dépend de l'EMA ?

Il faut parfois benchmarker, pour avancer. Ecouter aussi les journalistes, en tout cas ceux qui utilisent ces services. Or depuis des années, le système va de blocage en blocage face à des groupes terroristes et des compétiteurs ultra-agiles qui pacent des IED médiatiques sur la toile, médiatique ou non. La situation internationale extrême, à Barkhane, à l'est de l'Europe demande des décisions rapides, pas une repolitisation de la com.

Avant son départ pour Matignon, Benjamin Gallezot, alors directeur de cabinet adjoint chez Florence Parly avait imaginé ratiboiser la chaîne com, et ses quelques 1200 (au moins) adeptes. Tout en recourant plus massivement à des prestataires. Le minarm fait pourtant déjà appel à plein de prestataires, malgré des budgets prolifiques, et de services pas tous rares en personnels.

La DICOD a notamment multiplié ce recours, un sujet qu'il serait intéressant d'aborder dans l'audition de la minarm, au Sénat, mardi prochain. Une commission, oui, cela arrive, se penche sur les recours abusifs au privé, alors que l'interne possède les capacités (sans les utiliser). Des campagnes de recrutement réalisées par des cabinets, alors que des moyens sont disponibles en interne : cela interroge ! D'autant que certaines sont conçues... par les armées. 

En novembre, le successeur de Benjamin Gallezot, Gilles Lara Adélaïde, a repris la scie sauteuse, en diffusant une note interne à destinations des têtes de pont de la com. Cette note projette de réorganiser la com du minarm en deux pôles, opérations et stratégie. Des sources non gouvernementales expliquent que certains réfléchiraient même à confier à un civil la communication de l'EMA.

La note ne dit pas clairement combien de postes vont être épargnés. Si même, comme cela semblerait logique, ils seront transformés en postes budgétaires pour les combats dans les champs immatériels.

Mais clairement, le SGA va voir ses postes fondre, et il semblerait logique que la DGA, peu active sur la com, puisse sauver quelques postes. La presse s'est plainte plusieurs fois de l'inaction de la DGA en matière de com, le DGA a même été interpellé par votre serviteur lors d'un point presse.

Reste à savoir si le niveau oganique va perdurer. La marine, par exemple, n'emploierait qu'une grosse trentaine de marins au Sirpa Marine, et à peine une centaine au total (hors SRM). Mais les réalités sont contrastées. Alfusco ne possède actuellement qu'une VOA pour faire le travail (au lieu de deux postes). Alors que Toulon voit les couches superposées, entre le très opérationnel (Cecmed-Prémar), sans doute une des structures les plus rentables de la com de défense, et le moins opérationnel (Alfan, Alavia, Frmarfor, etc). 

En allant voir ailleurs, on voit que les gendarmes sont organisés plus rationnellement, avec un correspondant par département. On peut imaginer à la défense un tel schéma territorial, qui serait plus maillant. Et éviterait les redondances, dans lesquelles, en plus, chacun veut faire le travail de l'autre (un grand classique de la com de défense, où tout le monde n'est manifestement pas suffisamment occupé).

Dans certains départements très denses, on peut imaginer baser plusieurs communicants interarmées. Mais donc, des communicants organiques mal utilisés (pour la kermesse de la colonelle ou d'autres tâches indûes) ont vécu. Il faudra donc re-hiéarchiser les missions, et ne faire que des missions. Les moins tactiques (visites de scolaires) pouvant être réalisées par des personnels non spécialisés.

A l'âge du téléphone capable de faire de la vidéo, des photos, plus besoin d'un photographe pour relater une prise d'armes. Par contre, la structure centrale a besoin de photographes capables de faire parler un Nikon, mais aussi un Glock, et pouvoir piloter un micrdrone.

Le Sirpa Terre, souvent pionnier, montre la voie avec sa filière de combattants de la guerre par l'image (un sujet évoqué ici). La 11e BP expérimente ce qui deviendra demain une norme opérationnelle. C'est l'ancien CEMAT qui en avait lancé l'idée avec son chef du Sirpa Terre. Il n'a pas dû changer d'idée, devenu CEMA.

On peut même s'étonner qu'il a fallu attendre les défaites médiatiques de Bounti, plus largement, de Barkhane, pour que l'idée, ancienne, débouche.

Le Sirpa Air, lui, a eu la main heureuse dans ses derniers recrutements, et dispose des pions tactiques plutôt vifs. Son magazine interne reste le seul qui se rapproche le plus d'un civil. Ces magazines n'ont cependant pas forcément grand avenir, face au numérique et aux limitations de postes. Une fois de plus, c'est l'armée de terre qui semble avoir pris le mieux le virage des réseaux sociaux, avec une délégation de feu aux community managers plutôt réussie. C'est même visible sur plusieurs comptes régimentaires. Même si certains sont bizaremment cantonnés aux actualités de la construction.

Certains comptes sont plutôt agiles, comme celui de la brigade des forces spéciales air. Il démontre à la fois une petite science du ciblage, et une belle capacité de weaponers. C'est sans doute le seul où le général tweete lui-même, sans déléguer. Assez étonnamment, cette brigade stratégique n'a pas de communicant. Là où les FAS ont beaucoup de moyens, pour une production relative.

Quelle place pour la DICOD ? Avec une centaine de postes, c'est surtout un réservoir à postes à transformer pour les CIM (soit 30 trinômes). Pourtant ce n'est pas le choix fait par le cabinet de Florence Parly qui préfère maintenir la structure, comme tête de pont du pôle stratégie (et comme vivier pour la com ministérielle). Ce sera aussi le seul point d'entrée des journalistes. Alors même que la DICOD ne fait pas aujourd'hui de stratégie, et que les journalistes ne traitent pas avec elle. L'ambiance y est toujours aussi lourde, et des personnels affectés à la rentrée ou depuis plus longtemps, veulent déjà en partir, conscient de ni progresser, ni servir.

Autre étrangeté du service, elle a conservé sa directrice, alors que le porte-parolat, la partie la plus lourde et la plus exposée, est désormais confiée à l'hyperactif Hervé Grandjean, qui travaille quasiment seul. Une situation contrastée qui interroge, d'autant plus que l'intéressée reste flanquée d'un général trois étoiles. Bref, une structure qui coûte et produit peu. Tout en faisant l'unanimité contre elle.

A vouloir réformer, il faut aussi se pencher sur son propre dispositif. Florence Parly dispose d'un communicant officiel dont le nom est paru au journal officiel, Grégoire Devaux. Mais aussi d'un autre poste à temps complet (contractuel) et d'une autre personne en renfort (aussi au journal officiel, mais sur un autre intitulé). Ce à quoi s'ajoute une photographe personnelle, alors que le ministère en regorge. Bref, la réduction de voilure est aussi possible à ce niveau.

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