jeudi 29 octobre 2020

Attentats en France, Barkhane fragilisée ?

La multiplication des attaques à l'arme blanche, qui n'a aucune raison de s'interrompre du fait de la

simplicité du mode opératoire va-t-elle impacter, très loin de nous, l'opération Barkhane ? La fièvre déclenchée dans le monde musulman par la position de la France sur les caricatures risque d'attiser les candidatures. La décapitation de l'enseignant Samuel Paty a manifestement été adoubée par Daech, ses médias, mais aussi dans des zones aussi diverses que le Pakistan ou le Bangladesh qui a connu des manifestations monstres contre la France. Et son meilleur ami du moment, le président turc, a rajouté une louche.

Il est évident que face aux attaques sur le territoire national, le besoin de sécurité supplémentaire va devenir la préoccupation numéro 1 des Français, même frappés de confinement. Ce qui réduit le nombre de cibles, mais en laisse malheureusement un grand nombre : l'activité économique continue, les transports aussi, les élèves vont à l'école, les cultes se poursuivent. 

C'est tout aussi connu, le ministère de l'Intérieur fait face à un problème de masse depuis des années. La gendarmerie a bien augmenté le nombre de ses réservistes, mais en cherche 10.000 de plus face aux besoins.

A court terme, ce sont donc les armées qui vont être convoquées, non pour afficher du bleu mais du camo dans les rues, les églises, les centres commerciaux, etc (gares et aéroports seront moins fréquentées du fait du confinement). Bref, répondre au passage au niveau le plus élevé du plan Vigipirate, au claquement de doigt. 

Le niveau des 10.000 hommes, comme en 2015, pourrait donc être décidé demain matin en conseil de défense, à la fois pour rassurer, mais aussi, objectivement, montrer la couleur à l'adversaire (2).

L'armée de terre est parfaitement organisée pour tenir un retour à ce niveau, mais on le sait depuis 2015, un tel niveau met à bas, quasi totalement, la préparation opérationnelle. Au moment où le CEMAT aurait, lui, bien vu poursuivre les efforts dans ce domaine, très demandant pour tenir le challenge de la haute intensité. Avant d'aller toucher à l'opération Barkhane, il reste donc bien d'autres marges de manoeuvres (interrompre des tournantes outremer pas toutes essentielles), seulement, Barkhane focalise aussi bien des interrogations depuis un an. Une décrue est donc très probable, et d'ailleurs, des signaux lents sont perceptibles.

En novembre 2019, suite à la collision de deux hélicoptères et la mort de 13 hommes, la belle unanimité sur l'opération s'est déchirée. Au point que quelques jours plus tard, à l'Elysée, un conseiller n'hésitait pas, tout haut, à s'interroger sur le risque de perdre la bataille de l'opinion, en Afrique, mais aussi, en France même.

Suite au surge de +600 hommes et quelques capacités en plus, Barkhane, et surtout Sabre, son miroir dans les opérations spéciales, ont assuré une très forte attrition, inédite depuis 2013 comme signalé ici (1). 

Seulement, l'adversaire est toujours là, reconstituant ses pertes plus vite que ces forces ne taillent à la faux dans ses effectifs. L'opinion publique, prise entre les multiples tenailles de la récession, du confinement et du covid-19 et de la peur du lendemain, n'est pas forcément fascinée par la sécurité des Maliens, et assez logiquement, préfère la sienne.

Assez mal expliquée, la libération de 200 djihadistes a créé, de surcroît, une forme de très gros doute dans la troupe : à quoi bon capturer des djihadistes relâchés sans la moindre consultation de la France ? Ce qui pourtant, au vu des accords binationaux, est impossible, du fait du suivi des prisonniers, qui est tout sauf un secret défense. Par delà le doute, elle peut en plus inciter à des solutions plus définitives : on ne capture que les vivants.

Mes infops et photos sur le twitter @defense137.

(1) Au prix d'une facture très lourde, qui tutoie le milliard d'euros et abrase le matériel trois fois plus vite qu'en France. A ce rythme, la France ne sera pas capable de faire la guerre d'après, celle qui pourrait se faire contre un adversaire bien plus équipé et nombreux qu'à Barkhane ou Chammal. Une mission d'information sur Barkhane est lancé, et devrait rendre ses conclusions, peut-être dès la fin de l'année. Trois femmes y participent : Sereine Mauborgne, Nathalie Serre et Françoise Dumas.

(2) A Nice ce matin, c'est une nouvelle fois la police municipale qui a tiré, comme contre le chauffeur du camion, il y a cinq ans. La sécurité municipale comme privée, armée a donc, tout à fait sa place dans ce domaine. Pour ce qui est de la réserve, rappelons qu'à deux reprises, des réservistes (à Orly et à Marseille) ont ouvert le feu sur des terroristes, les neutralisant. La conclusion est donc identique sur la réserve.