A l’entrée en guerre, la marine compte 370 avions et hydravions, 34 escadrilles, et dix mille hommes. L’efficacité de cet outil est liée à son équipement : des avions pas toujours inspirés, lents, et pas assez lourdement armés. L’aviation, qu’elle soit navale ou terrestre, n’a pas vraiment reçu de quoi arrêter les hordes nazies.
Les flottilles du Béarn sont débarquées à terre mais pour participer au combat. Malgré leur engagement, les escadrilles de chasseurs, de bombardiers et d’hydravions subissent une hécatombe : leurs avions ne font tout simplement pas le poids par rapport aux avions et à la flak allemande.
Le Loire Nieuport 40, commandé en 1937 n’est livré qu’en juillet 1939… Les 40 Chance Vought 156F commandés au printemps 1939 aux Etats-Unis n’ont pas par exemple la fourche d’évitement du cercle de l’hélice, ce qui, pour un bombardier en piqué, complique singulièrement la donne, et leur mise aux normes françaises s’avère compliquée par le déficit d’équipements pour le faire… Douze de ces appareils sont rayés des listes lors d’un bombardement de leur terrain, à Alprecht.
Les escadrilles sont saignées à blanc. Les avions sont trop lents, mal armés.
Les 19 LN411 de l’AB2 et de l’AB4 laissent dix des leurs, le 19 mai, dans une mission au-dessus du carrefour de Berlaimont. Le lendemain, la marine perd encore six appareils –cinq par Messerschmitt, un par la flak- lors d’une mission de bombardement sur le pont d’Origny… 20 avions sont perdus dans ces 48 heures critiques.
Le bilan en mer est aussi faible. Du 2 septembre 1939 au 24 juin 1940, l’aéronavale n’a effectué que « 18 attaques de sous-marin mais aucune n’est concluante » constate Vincent Gréciet, dans une monographie consacrée au sujet.
La marine réussit cependant à frapper psychologiquement le Reich en son cœur, à Berlin. Le bombardier Jules Verne est à l’origine un des trois Farman 223 construits pour Air France, récupérés par la marine, au déclenchement des hostilités, et intégrés au sein de l’escadrille B5. L’armée de l’Air n’en voulait pas : trop lents…
Le mastodonte s’illustre d’abord depuis Bordeaux-Mérignac (base armée de l’Air) dans la surveillance des convois, dans l’Atlantique, puis est totalement militarisé par Farman, à Toussus-le-Noble, avec huit lance-bombes. Repeint en noir, il se spécialise dans le bombardement de nuit, qui n’est, à l’époque, qu’à ses prémisses.
Il opère alors depuis Lanvéoc-Poulmic (Finistère) et effectue ses premiers-bombardements en Allemagne, peu après l’offensive nazie de mai 1940. A compter du 13 mai, il bombarde la gare de triage d’Aix-la-Chapelle puis Maastricht.
L’équipage du bombardement du 7 juin, sur Berlin, est composé du capitaine de corvette Daillère, du pilote Henri Yonnet, du mécanicien Corneillet, du bombardier-mitrailleur Deschamps et du radio-navigateur Scour.
Fort de son autonomie, le Jules Verne arrive par la Baltique, après avoir survolé le Danemark. Le succès est là. Deux autres bombardements –y compris avec des tracts- suivront, sur l’Italie, avant que le Jules Verne ne finisse sa guerre. Il finira incendié, en 1942.
Sans ses avions, le Béarn est envoyé aux Etats-Unis convoyer une centaine de bombardiers SB2C Helldiver et de chasseurs H-75 Hawk. Mais quittant Halifax le 16 juin, il est dérouté vers la Martinique, où il restera jusqu’en 1943.