mardi 29 septembre 2020

Dans les vulnérabilités des services

Même caviardé, le rapport annuel de la délégation parlementaire du renseignement conserve son intérêt.

Certes, on y entre pas dans le détail du capacitaire, ou dans les conflits de frontières avec d'autres services, pour autant, il livre des éléments de compréhension sur certains domaines, et des indicateurs sur des communautés souvent pas très éclairées par le regard extérieur.

Ainsi, dans les sujets qui font l'objet d'un focus cette année, on trouve la détection des signaux lents de radicalisation, un sujet évidemment initié par l'attaque interne de la DRPP. On apprend ainsi que la DRSD affirme ne jamais avoir connu de radicalisation interne, par contre, depuis 2010, trois "agents" de la DRM "ont fait l'objet d'une attention particulière motivée par une aggravation de leur vulnérabilité à l'islam radical et d'un retrait d'habilitation ayant entraîné leur départ du service". Un niveau plancher puisque le rapport explique par ailleurs que déplacer un suspect et continuer à suivre ses évolutions peut s'avérer aussi efficace, pour autant, évidemment, que cela se déroule à l'occasion du PAM. A la DGSI, 12 enquêtes internes pour ces motifs ont été menés depuis 2014, pour trois retraits d'habilitation. En outre, "une douzaine d'enquêtes" sont actuellement menée pour un motif de "levée de doutes". La DRPP a connu un retrait d'habilitation en 2019. Et selon ses dires, la DGSE n'a connu aucun dossier de ce type.

Tout un chapitre est également, c'est de saison, consacré à la déontologie des agents de renseignement. La DRSD a désormais un référent déontologie (on ignore depuis quand). Selon les propres déclarations de la DRSD, depuis 2017, "8 cas de manquements" ont été sanctionnés, se ventilant entre "5 cas de non-respect des règles internes et 3 cas de comportement inadaptés". Après enquête interne, les intéressés ont perdu leur habilitation et ont été mutés hors de la DRSD. DRM et DGSE n'ont livré aucune donnée. Pour cette dernière, une lecture assidue de la presse permet de compléter l'absence de réponse.

Plus loin, le rapport explique que tout personnel de la DGSE est tenu de déclarer à la sécurité interne "toute mise en cause dans une affaire judiciaire, y compris pour des délits mineurs". Les remontées d'information, volontaires, ou externes, sont néanmoins très diverses d'un service à l'autre ce qui amène la DPR à formuler sa proposition n°41, pour "contraindre l'ensemble des agents des services de renseignement à rendre compte à leur officier de sécurité des délits qu'ils ont commis dans un cadre extraprofessionnel, quelle qu'en soit la nature.

La DPR s'intéresse aussi à de possibles conflits d'intérêt, tant pour les civils que les militaires. Le rapport explique qu'à la DRSD, un préavis de trois ans peut être nécessaire avant d'intégrer une société avec laquelle un de ses agents a eu des liens. A Tracfin, c'est la commission de déontologie qui apprécie la possibilité de recrutement par une entreprise (mais aucune durée d'application après le départ de Tracfin n'est citée).

Le suivi des anciens agents est aussi détaillé par le rapport. La DPR s'étonne justement ne pas avoir eu d'informations sur des affaires pourtant évoquées par les médias. Trois affaires liées à la DGSE sont notamment relevées par les parlementaires et "aucun de ces manquements graves aux obligations déontologiques, par ailleurs constitutives d'infractions pénales, n'a été remonté à la DPR, ni au moment où les faits ont été rendus publics, ni à travers les réponses au questionnaire adressé aux services". Des 'oublis' qui amènent à la proposition n°42 dans laquelle les services devraient désormais "informer la délégation parlementaire au renseignement des manquements déontologiques graves commis par les agents ou leurs anciens agents, et des procédures juridiques initiées à leur encontre". 

Forcément, en ouvrant cette boîte, on arrive aussi très vite à l'expression publique que le rapport qualifie "d'exercice délicat". "Le contrôle de l'expression publique des agents est un exercice délicat dès lors qu'aucune information classifiée n'est délivrée. Seules leur rigueur et leur déontologie personnelles, et celles des média qui les invitent, permettront de mesurer leurs prises de parole et d'éviter de livrer des analyses -voire des informations- erronées à un public peu sensibilisé aux questions de renseignement". Il peut sembler néanmoins étrange de demander par avance à des média de discerner ce qui relève du secret ou pas, dans la mesure où les média en question n'ont pas eu une connaissance préalable de ce qui, dans ce qui va être dit (et souvent en direct), relève du secret ou pas. Quant à l'expertise, difficile là aussi de demander à des media de qualifier l'expertise de tel ou tel sur les sujets, puisque par construction, les media investissent l'invité de l'expertise sans avoir les moyens de la vérifier (sur la base, souvent, de livres ou d'ITW sur d'autres média...). Et s'ils l'invitent, c'est qu'ils n'ont évidemment pas la ressource en interne.

La DGSE a été amenée à formuler quatre avis, sur la base de l'article 40 depuis septembre 2016, un "a abouti à un rappel à la loi", les trois autres n'ont pas encore été tranchés par la justice. A la DRPP, un agent a été chassé après avoir consulté indûment des fichiers de police. Un agent de Tracfin a aussi été condamné en 2014 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir "publié des éléments à charge sur le blog de Mediapart". 

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