Les 600 militaires engagés en renfort de Barkhane en l'espace de quelques semaines peuvent sembler
peu de choses à l'échelle des armées, mais cette mobilisation supplémentaire aura plusieurs prix. Revue de coûts, du stratégique au tactique :
. Les surcoûts opex vont connaître une nouvelle envolée, et tutoyer le milliard et demi d'euros. Une somme que le ministère des armées aura à payer seul.
. De l'usure de matériel : on l'oublie souvent dans ces fameux surcoûts, l'usure du matériel (potentiellement, du personnel, en blessures physique et surtout morales) va encore s'accentuer. Car le matériel s'use plusieurs fois plus vite au Sahel que sur d'autres théâtres, et aussi, qu'en métropole. On peut toujours constater que les VAB sont en fin de vie, que les VBL aussi. Mais le niveau de protection nécessaire pour les opérations au Sahel ne concerne que des véhicules spécifiques, et pas des véhicules lambda (dont l'armée de terre n'a que faire). L'équation n'est donc pas si évidente.
. Au niveau local, loger et alimenter (nourrir, hydrater) 600 corps de plus, auxquels s'ajoutent bientôt les plus de 400 de la TF Takuba tient d'un nouvel effort logistique. Coûteux en euros, car on est au milieu du désert. Mais aussi en logistique, car il faut acheminer le nécessaire en convois routiers. On le sait, c'est déjà un des défauts de cuirasse de Barkhane (sauf à utiliser le... fleuve, plus difficile à miner).
. Incidemment, les relèves vont devoir s'étaler sur encore plus de temps, puisque le nombre d'avions blancs a, dans les faits baissé (un A310 en moins, alors que les Phénix ne prennent pas encore la ligne opex). Cela va donc encore plus troubler l'engagement opérationnel.
. 600 hommes de plus ne changent pas grand chose à la construction d'un mandat de quatre mois : à 4500, un personnel des groupements tactiques désert fait entre un mois et un mois et demi de garde. Il doit aussi en début de mandat s'acclimater, prendre ses consignes, ses quartiers, et en fin de mandat, faire ses caisses, s'occuper du matériel. Tout cela évidemment sans compter les passages éventuels à l'infirmerie, que ce soit pour des blessures de combat, ou des blessures non liées au combat, et aux maladies liées à l'environnement.
Bref, le temps utile en opérations n'est pas si élevé qu'il y paraît sur le papier. Cela milite, dans certains esprits, à un retour à des mandats de six mois, comme du temps de l'Afghanistan, pour "maximiser" le temps utile sur place.
. Avec un surcroît de moyens (qui n'ont rien non plus d'exceptionnel), le risque d'augmenter le ressenti et le besoin de résultats chez l'exécutif et une partie croissante de la population (le coût de Barkhane, c'est de l'argent en moins dans les poches des Français pensent certains d'entre eux, en fait c'est surtout une réduction structurelle des armées si on regarde les choses chirurgicalement) va encore plus augmenter, là où, Reaper et forces spéciales excepté, le "rendement" forces engagées/effets produits est toujours faible par nature, puisque le flux du renseignement est extrêmement faible. Et que le djihadiste est plus manoeuvrant et disséminable que les forces alliées.
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