Le ministre de la défense a chiffré ce matin à 50 MEUR la dépense liée à l'opération Serval. Il n'a pas détaillé plus avant ce chiffre sur France Inter, mais il s'agirait, selon le responsable, essentiellement de dépenses "logistiques". En fait, dans ce sujet qui fascine depuis à peu près le 4e jour du conflit (après avoir glosé sur "l'enlisement", il fallait bien trouver autre chose), il faut bien mesurer ce qui ressort du coût (une dépense déjà payée) et du surcoût (une dépense non prévue, liée à l'opex). Mais ne pas oublier d'additionner les chiffres non plus.
. Dans les surcoûts figurent les dépenses liées à la projection de matériel par des affrêteurs aériens. Le prix de l'heure de vol d'An-124 n'est pas la même selon les sociétés. ICS, qui a gagné un contrat avec l'armée française, pratiquerait des tarifs plus compréhensifs que ceux figurant dans l'accord Salis (1). Cette enveloppe, qui n'est pas chiffrée, est restée malgré tout contenue, du fait de l'apport de forces aériennes étrangères, essentiellement avec du C-17 (britanniques, canadien, américains). L'envoi du Dixmude (140 véhicules quand même, soit une vingtaine d'An-124, mais aussi 50 tonnes de munitions), puis d'un affrété à l'année (ce n'est pas gratuit, mais cela ne surcoûte pas non plus, car c'est une dépense forfaitaire), l'Eider, a permis aussi de contenir le volume de matériel roulant projeté par air, donc la facture.
. Dans les surcoûts, aussi, la projection du personnel. Là encore, le BPC a embarqué 500 militaires, c'est donc gratuit (le navire devait naviguer de toute façon). Par contre, selon l'EMA, il aura fallu pas moins de 50 VAM pour transporter les militaires de l'opération Serval. Les avions qui l'ont fait appartiennent à l'armée de l'air, et ils auraient aussi volé de toute façon, mais sans doute de façon nettement moins intensive. On peut aussi penser que d'autres relèves prévues sur d'autres théâtres n'ont pas pu être assurées. Notons le niveau d'engagement, puisque 50 VAM en 20 jours, cela en fait donc cinq tous les deux jours, avec seulement cinq Airbus (2) ! En tout cas, il aura fallu du carburant en plus.
. Le carburant, c'est le nerf de la guerre, pour les avions du Poitou, les VAB du 21e RIMa, ou les chasseurs de N'Djamena. Il est évident que le surge demandé par Serval impose un surcroît de carburant. Au registre des consommables, il faut aussi rajouter le coût des rechanges, des munitions, particulièrement des bombes. On a en tiré plus de 150. L'abrasion du potentiel des djihadistes était à ce prix : il a évidemment épargné le sang des soldats au sol. La surcharge demandée aux tankers du Bretagne aura ausi un coût sur les cycles de maintenance, et le potentiel de ces avions, rincés : celui de Harmattan commençait juste à être épongé...
. Et il y a un surcoût moins visible : celui des bonifications opex pour les militaires (ils sont donc 4300...), les pertes de matériel. Mais aussi le lancement de crashs program.
Bref, 50 MEUR, c'est vraiment un chiffre plancher.
(1) c'est ce qui avait motivé la sortie partielle de la France de cet accord.
(2) un calcul peut-être faussé, car dans ces VAM peuvent avoir été comptées des liaisons infra-théâtre.